27 juin 2024

Les fermes sous pression météo : parlons-en et agissons

Avant d’agir, il faut comprendre... Retrouvez dans cet article une synthèse actualisée des constats et impacts du contexte météorologique inédit sur les fermes franciliennes. Face à cette situation, découvrez les actions et ressources pour faire de l’AMAP un espace d’échanges sur les réalités paysannes et d’actions pour pérenniser les fermes de notre territoire.

Pourquoi parle-t-on de l’année la plus compliquée des 20 dernières années ?

CE QUI SE JOUE AU PRINTEMPS
TEMOIGNAGE DE TERESA GARVEY, MARAÎCHERE EN SEINE-ET-MARNE

« Le printemps est une période difficile car la charge de travail (préparation de sol, semis, plantation, désherbage) est importante et sa réussite est un enjeu pour toute la saison. On met en culture les légumes d'été mais aussi d'hiver. Le travail est, à cette période, physique mais aussi mental, car beaucoup de décisions sont à prendre : choisir les bons créneaux pour effectuer ces tâches, ne pas prendre du retard. Ces tâches (préparation de sol, semis, plantation, désherbage) se font toutes en conditions sèches. Il faut être organisé et avoir une planification pour pouvoir l’adapter selon la météo sur une année normale. C'est d'autant plus difficile quand les conditions météo ne sont pas favorables, et ce, pendant toute la période. »

LES CONSTATS SUR LA METEO ET LES STRATEGIES MISES EN ŒUVRE PAR LES FERMES :

  •  Cet hiver et ce printemps, les paysan·nes ont connu le pire niveau de pluie de ces 20 dernières années, avec l’équivalent d’un an de précipitations sur 6/7 mois. Les maraîcher·ères mécanisé·es ne sont jamais entré·es aussi tard avec leurs tracteurs dans les champs trop humides.
  • Après un manque de lumière conséquent à la fin de l’hiver, les cultures ont fait face à des fortes variations de températures au printemps. A noter que pour certain·es, l’alternance récente entre pluie et soleil soulage un peu et limite l’arrosage en plein champ.
  • Le planning de production a été complètement bouleversé. Pour le maraîchage, des températures trop fraîches ont ralenti le développement des cultures sous serre et l’excès d’eau a empêché l’installation des cultures extérieures. D’habitude, il y a des créneaux de plusieurs jours pour installer une culture. Cette année ils ne duraient que quelques heures.

Pour les céréales, aucun semis d’hiver, de printemps ou d’été n’a pu être mis en placedans de bonnes conditions. Certain·es céréalier·ères ont semé beaucoup moins que prévu. La météo était trop mauvaise à l’automne pour les semis d’hiver et certain·es ont voulu se reporter sur les semis de printemps mais la pluie en a voulu autrement.

  • L’humidité excessive a favorisé le développement exponentiel des limaces et escargots, mais aussi de maladies fongiques (champignons) qui détruisent une partie des cultures.
  • Selon l’outil de production et les pratiques, les paysan·nes ont plus ou moins la capacité de s’adapter.
    Une ferme qui achète ses plants sera dépendante de la livraison des plants pour la mise en place des cultures. Une ferme qui produit ses plants pourra éventuellement retarder le repiquage pour attendre une meilleure fenêtre météo.
    Avec de plus grandes surfaces, la ferme a davantage la capacité d’installer les cultures sur la parcelle offrant les meilleures conditions.
    Les maraicher·ères en "non travail du sol" ont pu implanter leurs cultures plus facilement et plus tôt que d’autres qui attendaient une fenêtre météo pour préparer les sols.

LES IMPACTS A COURT, MOYEN ET LONG TERMES :

Si l’ensemble des fermes maraîchères semble touché (mais aussi les élevages et les fermes céréalières), les impacts varient selon l’outil de production, les sols, les équipements, l’expérience, le nombre d’actifs sur la ferme.

  • Les impacts sur la production seront différés dans le temps, le travail agricole se caractérisant par une très forte inertie. Ce qui se passe aujourd’hui aura des conséquences dans plusieurs mois, voire années pour le sol. Les conditions de travail peuvent être extrêmement difficiles pour un·e maraîcher·ère, sans que cela se ressente immédiatement dans votre panier.
  • Les conséquences sur la production sont imprévisibles, puisqu’elles dépendront aussi de l’évolution de la météo dans les semaines et mois à venir : un bon été pourrait sécuriser les cultures d’hiver.
  • Les impacts immédiats, et à venir, sur la charge de travail sont colossaux. Les maraîcher·ères ont dû dédier du temps pour remettre en culture certaines productions perdues à cause des maladies ou des ravageurs. Les plantations n’ayant pas pu être échelonnées, le travail de désherbage et d’entretien des cultures risque d’être démesuré par rapport aux forces disponibles sur les fermes. D’autant plus que certaines fermes n’ont pas eu les moyens d’embaucher de saisonnier·ère pour l’été. Pour ceux·celles qui plantent plus pour anticiper les pertes, cela impliquera aussi un surcroît de travail si la culture fonctionne bien.
  • Pour les paysan·nes, ce contexte météo impacte fortement le moral avec un stress constant et une charge mentale exacerbée, notamment du fait des difficultés à s'organiser et à planifier le travail.
« Pour beaucoup cette année, les bonnes conditions pour le sol n'ont pas existé et il a fallu saisir des créneaux avec les meilleures conditions possibles en acceptant que ce ne soit pas complètement satisfaisant. Ce sont des choix difficiles car on essaie de faire le meilleur travail possible, le plus respectueux possible du sol et de la terre. » Ces choix sont d’autant plus difficiles lorsqu’on est seul·e à le faire ou que l’on a moins de recul car installé·e depuis peu.
  • Les volumes de production et l’étalement des variétés seront impactés :
    Face à une météo qui retarde et limite les actions dans les champs, les cultures légumières d’été risquent d’arriver plus tard. Il a fallu aussi pour les maraîcher·ères choisir de sacrifier certaines cultures pour en privilégier d’autres. La période de récolte risque aussi d’être raccourcie du fait du développement de maladies comme le mildiou sur les tomates. Pour certains légumes attaqués par les ravageurs ou les maladies, les quantités ou l’aspect du légume seront affectés (ails rouillés, oignons, choux etc.). Les cultures pour les légumes d’automne et d’hiver n’ont pas pu être installées dans de bonnes conditions et les rendements sont incertains.
    D’un autre point de vue, certain·es ont trouvé que la météo avait permis d’avoir de belles récoltes de printemps. Pour les céréales, les rendements risquent d’être affectés. Les semis lèvent de façon hétérogène. Le blé peut être asphyxié par le surcroît d’eau et les épis semblent plus petits. Les céréales tendent aussi à verser (=se coucher) sous la pluie.
  • Les animaux et les essaims ne sont pas épargnés non plus :
    Les abeilles ont du mal à se nourrir à cause de la pluie. Elles ont trop faim et ne peuvent pas être déplacées à chaque fois qu’il y a des fleurs.
    Côté élevage, avec la pluie et l’absence de gel, les parasites se sont particulièrement développés. Alors qu’habituellement certain·es chevrier·ères ne font qu’un traitement antiparasitaire par an, certain·es en sont déjà au 3ème traitement depuis le début de l’année avec des parasites qui développent des résistances. Les chèvres n’aimant pas l’humidité, elles sortent moins par temps de pluie, ce qui les fragilise et favorise l’agressivité et la violence entre les animaux, avec des risques accrus de blessures.
  • Les impacts économiques sont conséquents !
    En maraîchage, certaines productions affectées par les ravageurs ou maladies ont dû être plantées de nouveau. Il a fallu racheter des plants par exemple (10% des plants de tomate à refaire pour certaines fermes) ou planter de plus grands volumes en anticipant la part de perte.
    En élevage, aux coût des traitements antiparasitaires supplémentaires, s’ajoute la perte liée au lait impropre à la consommation pendant certains traitements.
  • Des impacts potentiels sur le sol à long terme : pour ceux ou celles qui auront dû travailler le sol malgré la mauvaise météo et/ou qui ne disposent pas d'équipements mieux adaptés, la structure et la vie du sol pourront être impactés à long terme.
  • Pour faire face à ces impacts, les paysan·nes continuent de questionner et faire évoluer leur système de production. Certain·es pensent à augmenter leurs surfaces sous serre par exemple.

Comment le partenariat AMAP permet aux fermes de tenir bon dans un contexte aussi difficile ?

Plus que jamais, le partenariat AMAP prend sens : face à des aléas extrêmes, ne pas laisser les paysan·nes seul·es, au risque de mettre en péril leur activité et leur santé. Saisissons-nous collectivement de ce contexte difficile pour faire de l’AMAP un espace d’échanges sur les réalités paysannes et d’actions pour pérenniser les fermes de notre territoire.

Côté paysan·nes, ne restez pas seul·e, et partagez votre situation :

  • Alertez les amapien·nes sur le caractère inédit de la situation et les impacts immédiats et futurs que vous identifiez (appuyez-vous sur cet article)
  • Participez à l’un des temps d’échanges entre paysan·nes en AMAP pour partager vos réalités, et les pratiques déployées pour y faire face : RDV en visio ou tel le mardi 2 ou lundi 8 juillet de 13h à 14h >> inscriptions ici
  • Invitez vos AMAP à participer au temps d’échanges organisé pour les AMAP (info ci-dessous)

Côté amapien·nes :

  • Participez au temps d’échanges entre amapien·nes pour comprendre la situation, et identifier comment agir auprès des paysan·nes et amapien·nes : RDV en visio le mardi 9 juillet de 19h à 21h >> inscriptions ici
  • Invitez vos fermes partenaires à participer au temps d’échanges organisé pour les paysan·nes (info ci-dessus)
  • Renseignez-vous sur la situation :
  • Prenez des nouvelles auprès de l’ensemble des paysan·nes partenaires de l’AMAP et relayez-les aux amapien·nes. Répondez aux interrogations des membres de l'AMAP pour préserver les paysan·nes de remarques difficiles. Soyez particulièrement attentif·ves aux paysan·nes travaillant seul·es ou installé·es depuis peu.
  • Evoquez à la distribution la gravité des impacts de la météo sur l’activité des paysan·nes : vous pouvez Imprimez une affiche pour interpeller.
  • Contactez les nouveaux adhérent·es à la distribution ou par téléphone pour partager des informations, répondre à des interrogations etc.
  • Organisez des ateliers sur les fermes cet été : la charge de travail risque d’être très conséquente, la mise en place des cultures n’ayant pas pu être étalée dans le temps.

N’hésitez pas à nous faire part de vos retours, vos pratiques et vos besoins (astrid@amap-idf.org et lucie@amap-idf.org).

 

Par Astrid Girard, chargée d’accompagnement des partenariats AMAP
à partir de l’article de Lucie Humbaire et des nombreux témoignages de paysan·nes.

 

 

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