28 sept 2022

Les paysan·nes du changement climatique !

Depuis le début de l'été, la France subit des canicules à répétition. La sécheresse s'est installée, persistante... Et s'il pleut peut-être aujourd'hui, les nappes phréatiques restent dramatiquement basses. Nous partageons ici des témoignages de paysan·nes francilien·nes qui subissent les conséquences du manque d'eau, avec des impacts directs sur leur production agricole actuelle et des mois à venir.  

Si vous  discutez avec vos paysan·nes partenaires, les retours peuvent être différents de ces récits car les conditions pédo-climatiques ne se ressemblent pas d'une ferme à l'autre (lire le récit de l'AMAP de Cérès sur la récolte de pommes de Terres sur le plateau de Saclay). Les techniques culturales ainsi que les restrictions mises en place cet été ne permettent pas de généraliser une situation, tout au plus de de dépeindre des grandes tendances.

Témoignage des paysan·nes du changement climatique

Ils se surnomment «  paysans du changement climatique » car ces 5 derniers années, ils ont dû faire face à plusieurs situations exceptionnelles : vague de chaleur, inondation, tempête… Comment qualifier d'exceptionnelle une situation qui se répète ?  Les variations de températures, les épisodes de pluies marqués ou de vent violent ont toujours existé mais elles sont devenues plus intenses, plus fréquentes et plus longues dans le temps.

Ces conditions épuisent les paysan·nes tant physiquement et moralement. Pour s'adapter, ils puisent dans des ressources que nous ne mesurons pas, surtout en AMAP. Comme nous le rappelle un paysan : « Nous apprécions ceux que nous nourrissons, renforçant notre envie de fournir des légumes de qualité. »

En élevage

Chez certain·es éleveur·ses laitiers, il est tombé moins de 5 mm d'eau sur les prairies depuis trois mois ! Le foin pousse moins, il se dessèche. Il est pauvre en apports nutritifs pour le bétail.  Si la trésorerie le permet, ces éleveur·euses vont devoir acheter des céréales et du foin pour tenir l'hiver.
Qui dit foin pauvre, dit lait moins riche. Une éleveuse nous indique que pour produire une même « bûche », il faut compter 16 louches de lait alors qu'auparavant 8 suffisaient. Le prix de ces fromages, lui, reste identique !
Constat partagé par les éleveur·euses de vaches : moitié moins de production journalière de lait en deux mois…
En juillet, selon l'Agreste, l'organisme statistique du ministère de l'Agriculture, la production d'herbe a ainsi été déficitaire en France (-21 % par rapport à la normale).

Quant aux producteur·rices de viandes (volailles, viande bovine…), ils craignent une croissance des animaux moins importante que d'habitude : les animaux ont eu chauds, ils se sont moins déplacés et ont moins mangé.

En maraîchage

En sud Seine-Et-Marne, un maraîcher témoigne qu'il n'a pu irriguer ses légumes que la nuit et en goutte-à-goutte. Il s'attend à obtenir des légumes racines moins abondants cet hiver car certains ont "séché sur place".  

Certains légumes ont manqué cet été : des maraîchers ont en effet vu les fleurs de courges ou d'aubergines avorter à cause de la chaleur.

A l'inverse, des croissances ont été accélérées : certaines productions qui s'étalent sur plusieurs semaines voire plusieurs mois, sont arrivés à maturité en même temps : un paysan a pu livrer des choux-fleurs magnifiques en plein mois de juillet… des légumes qui ne viendront par contre pas grossir le panier d'automne.

Autre témoignage : « Pour les agriculteurs qui peuvent irriguer, une sécheresse n'est peut-être pas une si mauvaise nouvelle à court terme. Car moins de pluie, c'est aussi moins champignons. Mais c'est aussi plus de travail car il faut parfois arroser plusieurs fois par semaine la même planche. Mais pour ceux qui ne peuvent pas irriguer, la sécheresse implique des pertes de production parfois conséquentes. »

Une maraîchère des Yvelines partage aussi son inquiétude sur l'apparition de nouveaux ravageurs comme la punaise Halys originaire d'Asie qui s'attaque aux tomates et autres légumes fruits. 

En grandes cultures

Pour le tournesol non irrigué, les prévisions annoncent 10% de production en moins cette année par rapport à la moyenne quinquennale. Plusieurs autres céréales non irriguées ont subi de mêmes baisses. Pour rappel, seulement 7% des surfaces agricoles en France sont irrigables.

En arboriculture

Après plusieurs années très difficiles pour les arboriculteurs en IDF, la saison 2022 a été meilleure : même si les fruits seront plus petits que les années précédentes, ils sont aussi plus gorgés en sucre. Les arboriculteur·rices vont quand même se poser la question de l'irrigation : pour celles et ceux qui n'en sont pas doté·es pas, sans aucun arrosage des arbres, les rendements sont moindres.
Et côté plantation, les arbres plantés ces 3 dernières années peinent à pousser.

L'adaptation permanente des paysan·nes

Face à ces aléas, les paysan·nes sont obligés de s'adapter en permanence. Il·elles font preuve d'ingéniosité et innovent. Ils-elles expérimentent et sont réactifs.

  • Les maraîcher·ères trouvent par exemple de nouvelles techniques pour faire lever des semis en pleine terre plus rapidement ou pour sortir leur semis des serres avant qu'ils ne grillent.
  • Pour éviter les heures les plus chaudes (pour eux·elles et pour leurs plants), les paysan·nes adaptent leurs horaires de travail : ils se lèvent très tôt et finissent très tard à la fois !
  • Il·elles partagent leurs idées entre pair·es dans des groupes Whatsapp ou Telegram : Dans leurs messages, blanchiment ou filet d'ombrage pour abaisser les températures dans les serres, paillage ou bâches pour garder l'humidités des cultures…
  • Un groupe de paysan·nes travaille également sur la question des semences paysannes, levier essentiel de la résilience agricole. La diversité génétique doit être mobilisée pour répondre aux enjeux de production sous contrainte hydrique.

Notre rôle au sein du Réseau AMAP IdF :

Proposer des temps d'échanges et des formations pour accompagner les paysan·nes dans l'expérimentation et la mise en place de solutions et de nouvelles pratiques à long terme.
L'objectif : permettre à celles et ceux qui nous nourrissent au quotidien, qui préservent les territoire et qui font vivre une vie locale, de continuer à faire de l'agriculture paysanne dans des conditions viables économiquement et humainement.

 

Par Lucie, salariée du Réseau AMAP IdF

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