20 déc 2022

Loi d’orientation agricole : une opportunité pour installer plus de paysan·nes ?

Une future loi d'orientation agricole est annoncée pour 2023. Les organisations paysannes et citoyennes se mobilisent afin de voir intégrer de réelles solutions pour améliorer l'installation des paysan·nes et assurer le renouvellement des générations.

Pendant le rendez-vous annuel du syndicat des Jeunes Agriculteurs « Terres de Jim » le 9 septembre dernier, le Président Emmanuel Macron a annoncé une future loi d'orientation agricole en 2023. Plusieurs orientations sont déjà identifiées : la transition, la formation, l'accès au foncier et l'accompagnement des nouvelles générations.

Une loi sur l'agriculture, pourquoi faire ?
On a déjà eu Egalim I, le Varenne de l'eau, Egalim le retour, et une réforme de la PAC qui n'amorcera pas de transition agricole…

Si cette loi est la bienvenue pour faire face à la crise démographique de l'agriculture, de nombreuses solutions qui relèvent davantage des conditions socio-économiques de production que du renouvellement des générations, ne seront pas traitées dans cette LOA : retraites agricoles, prix/rémunération, concurrence internationale, sortie des pesticides et engrais de synthèse. Il n'y aura sans doute rien à attendre de ce point de vue-là. Par ailleurs, le gouvernement n'a pas clarifié sa stratégie, il évoque parfois une « loi » d'orientation, parfois un « pacte » d'orientation.

Cette loi mérite son débat à l'Assemblée Nationale. Elle sera l'occasion de défendre et de faire reconnaître les dispositifs citoyens et paysans qui ont été développés depuis plusieurs décennies pour maintenir l'agriculture paysanne et les écosystèmes et surtout, contenir cette hémorragie de paysan·nes. Ces expérimentations souvent marginalisées sur le plan institutionnel sont pourtant efficaces et contiennent en leur sein de nombreuses solutions pour la transition agricole et alimentaire.

Une situation démographique inédite qui est le produit d'une politique publique : la politique des structures

La situation démographique actuelle est le produit de politiques publiques qui ont été pensées et articulées après la seconde guerre mondiale : « la politique des structures ». Elle comprend un ensemble de mesures, de lois et règlements qui ont eu pour objectif de réguler la taille des exploitations agricoles : loi sur le fermage, modification institutionnelle des instances de gouvernance, l'Indemnité Viagère de Départ, contrôle des structures, dotation d'installation pour les jeunes agriculteurs, PAC, remembrement, etc.

Cet objectif a été atteint puisque la taille des fermes a augmenté et le rendement des exploitations a aussi fortement progressé (avec notamment l'augmentation de la formation technique, la mécanisation, l'utilisation de la chimie et des engrais de synthèse). Aujourd'hui, les exploitations font en moyenne autour de 70 ha (avec des écarts importants selon le type et les modes de production), alors qu'elles étaient en moyenne de 20 ha dans les années 1970.

En parallèle, le nombre d'agriculteur·rices s'est écroulé. En 2020, il y avait environ 400 000 chefs et coexploitants à la tête des exploitations agricoles (pour environ 1,6 million en 1970).


Les raisons de cette chute ne sont donc pas liées à un déficit de vocation ou un problème d'agribashing. Chaque année en France, nos organisations paysannes accueillent de nombreux porteur·euses de projets en agriculture biologique, motivés pour produire autrement dans le respect de leur santé et de l'environnement. A titre d'exemple, à elle-seule, l'association Abiosol a accueilli environ 250 porteur·euses de projets en Île-de-France en 2022. Mais les angles morts, blocages institutionnels, obstacles financiers, sociaux, techniques sont tels, que seule une partie d'entre eux concrétiseront réellement leur projet. Pour cette partie-là, toujours debout, leur projet mettra au minimum entre 3 et 5 ans à se réaliser.

Actuellement en France, pour 14 000 installations par an, on compte environ 21 000 départs à la retraite ! Cette dynamique est extrêmement alarmante et en l'état actuel, elle produit un agrandissement des fermes existantes. Un cercle vicieux terrible, car au lieu de permettre à cette nouvelle génération de s'installer, ce phénomène d'agrandissement rend les exploitations qui s'agrandissent intransmissibles sur le temps long (elles deviennent trés cheres, très grandes, peu adaptées aux enjeux de relocalisation alimentaire et de l'agro-écologie). Le phénomène conduit à une concentration foncière, qui ne favorise pas non plus des modes de production nourriciers ET vertueux pour l'environnement.

Par ailleurs, les cédants qui cherchent activement à transmettre leur ferme, et qui sont ouverts à de nouveaux projets agricoles différents de ce qu'ils ont eux-mêmes réalisés au cours de leur carrière, ont aussi besoin de temps et d'accompagnement. On estime que la transmission d'une exploitation, réussie et anticipée, prend 5 années au minimum. La période de la transmission est une période chargée émotionnellement et les obstacles techniques et financiers pour une transmission des outils de production sont également nombreux. Or, cette période est peu prise en charge et accompagnée.

Cette LOA était donc urgente pour assurer un renouvellement des générations de paysan·nes et une transformation des modes de production.

La transition des pratiques, en actes : AMAP et citoyens jouent un rôle essentiel

Les AMAP, avec d'autres organisations paysannes et citoyennes de développement rural et agricole, jouent un rôle essentiel dans l'accompagnement à l'installation, le développement de l'agriculture biologique et l'agroécologie.

D'abord parce qu'elles soutiennent très concrètement et au quotidien les paysan·nes et les nouveaux installé·es en particulier. Ensuite, parce que les toutes premières années, quand ceux-ci débutent et ne maitrisent pas complétement toutes les techniques, leurs paniers et leurs étals peuvent ne pas être toujours aussi variés que des paysans qui ont 10 années d'expérience derrière eux. Heureusement, les AMAPien·nes les soutiennent, car ils savent qu'avec le temps, le ou la paysan·ne maîtrisera les techniques, les variétés, comprendra bien le sol, mieux le climat et les saisons avec lesquels il·elle travaille.

Les amapien·nes qui sont en AMAP depuis longtemps, ont vu les fermes se diversifier. Ils ont parfois aidé dans les chantiers collectifs. Ils ont vu la création de nouveaux ateliers de production, la plantation de haies, l'enrichissement des espaces par de nouvelles variétés d'arbres, d'espèces auxiliaires, d'animaux. Ils ont vu les paysan·nes adapter leurs pratiques au changement climatique. Ces nouveaux installé·es deviendront eux-mêmes des paysan·nes expérimenté·es avec des paniers variés rythmés par les saisons (et le changement climatique)... et ils formeront à leur tour de nouveaux installé·es.

Les AMAPien·nes soutiennent la démarche de progression, le temps long et les aléas de production, et ce, via le cadre éthique de la contractualisation. Ils accompagnent aussi ces tests et ces développements qui visent à produire mieux et autrement.

Pour que l'installation et la transition des pratiques changent d'échelle : élaborons une autre « politique des structures » qui régule, planifie et accompagne

Les AMAP s'insèrent dans des réseaux et organisations qui forment, accompagnent et aident les porteur·euses de projets dans leurs installations et leur transmission. Aussi, nous avons décidé d'interpeller les député·es dans une approche transpartisane, pour qu'ils se saisissent eux aussi de ces enjeux.

Nos organisations paysannes et citoyennes (le Miramap, Terre de Liens, la Fadear, le réseau CIVAM, la FNAB, SOL, le RENETA) se sont mobilisées sous l'appellation « installons des paysans ». Le 24 janvier à 8h, nous organisons une nouvelle réunion à l'Assemblée Nationale pour présenter les obstacles à l'installation en agriculture biologique et paysanne, et les solutions que la LOA devra intégrer.

 

Par Ariane, salariée du Réseau AMAP IdF

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