10 fév 2025
La météo des champs - des nouvelles des fermes maraîchères
Tour d'horizon de l'année 2024 et perspectives pour le printemps 2025. La fin de saison 2024 n'a pas été tendre pour les maraîcher·ères. Le manque de luminosité et les fortes pluies ont eu des conséquences sur la croissance des plantes, obligeant certains producteurs à revoir leurs stratégies de production, de conservation et de récolte.
Un démarrage de printemps incertain
Depuis octobre 2023 (soit 18 mois), il pleut et les sols sont bien trop humides et tassés. Ils ne permettent toujours pas une entrée efficace dans les champs avec des machines car les sols ne sont pas « portant », c'est à dire qu'ils ne supportent pas le poids. Le démarrage du printemps 2025 est donc encore incertain. Les maraîcher·ères nous partagent qu’ils sont attentifs à leurs sols et sont inquiet·es des répercussions agronomiques sur le long terme.
Il y a eu sur ces 4 derniers mois 75 % de précipitations supplémentaire par rapport à l’année 2022, soit 35 mm en plus chaque mois. En janvier 2025 c’est 143 % supplémentaire. Nous comparons avec l'année 2022 car en 2023 nous avons eu les mêmes précipitions exceptionnelles que cette année (ref : météo France, station Melun).
La jonction hiver/printemps s’annonce compliquée. Les légumes sous serre ne poussent pas, principalement du fait d'un manque de luminosité énorme (donc moins de photosynthèse). Des séries, de choux de Bruxelles par exemple, auraient dû être prêtes en décembre et ne le sont toujours pas. Certain·es pensent à les arracher pour laisser la place aux suivantes. Il y a eu en moyenne 25 % d’ensoleillement en moins ces 4 derniers mois ( ref : météo France, station Melun).
Les maraîcher·ères soulignent que les légumes ne se conservent pas aussi bien que prévu, en raison des mauvaises conditions de récolte. Ils ont été obligés de mettre certains légumes dans les paniers pour ne pas les perdent aux champs ou au frigo (chou rouge, chou blanc, courges, champignons sur les poireaux ...), au lieu de les étaler sur toute la saison d’hiver.
Pour la première fois, cette incertitude de climat, et la dégradation des stocks de légumes de conservation, poussent une partie des maraîcher·ères en AMAP à envisager l'achat-revente pour sécuriser une partie des paniers et éviter une trop grande perte d’amapien·nes.
Un surcoût pour les fermes
Ces 4 derniers mois, pour garantir la stabilité des paniers les fermes font face à des surcoûts, parfois difficiles à absorber :
- Entretien des sols, notamment avec l’apport de fumure supplémentaire : les paysan·nes pensent que les apports précédant ont été lessivés par les pluies
- Achat de légumes pour compenser les pertes
- La gestion des récoltes qui prend un temps supplémentaire pour les salarié·es des fermes et maraîcher·es car les légumes doivent parfois être récoltés à la main alors qu’en temps normal ce serait avec une machine.
Pour rappel, en 2024 les maraicher·ères ont dû mettre en moyenne 30% de semis supplémentaire et redoubler leur temps de travail, pour un résultat en production moindre ou équivalent.
Pour gérer l’eau stagnante, que les sols n’arrivent pas à absorber, chacun·e à sa technique : creuser des mares, agrandir les trous creusés en 2024, implanter des fossés, aspirer l’eau pour la rejeter plus loin.
Charge mentale importante et inquiétude des paysan·es
Les paysan·nes ressentent une plus grande sensibilité face aux remarques des amapien·nes. Ils et elles prennent parfois les choses plus personnellement, alors qu'il est impossible de maîtriser certains aléas comme la mauvaise conservation des carottes. C'est la deuxième année consécutive qu’iels se retrouvent dans ces conditions, ce qui engendre une grande anxiété. Il est nécessaire d' expliquer de nouveau les mêmes difficultés auxquelles ils et elles sont confronté·es, ce qui engendre une inquiétude de ne pas être cru·es ou que l'on remette en question leurs paroles.
Par ailleurs, la question du renouvellement des contrats est bien présente dans les discussions entre producteur·rices. La baisse du nombre de paniers notamment sur les renouvellements d’hiver, les inquiète. Il y a parfois un manque d’anticipation sur le renouvellement des contrats de la part des amapien·nes rajoutant une pression et rendant la gestion des finances de la ferme encore plus délicate. Pour rappel, une réduction de 10 contrats peut signifier une perte équivalente à un salaire pour un agriculteur.
Et la saison prochaine ?
- Certain·s maraîcher·ères se montrent confiant·es : iels ont réfléchi aux erreurs de la saison précédente, ont apporté des améliorations à leur organisation, et sont prêt·es à repartir sur de nouvelles bases.
- D’autres, cependant, restent plus hésitant·es, préoccupé·es par la diminution des contrats et les difficultés économiques. Face à cette situation, plusieurs d’entre eux réfléchissent à l’idée de faire des pauses plus longues au début du printemps, afin d’alléger la pression liée à la production de paniers très diversifiés. Certains font déjà des doubles distributions en hiver pour avoir plus de temps sur la ferme ou pour eux.
Pour faire face aux difficultés rencontrées et espérer une meilleure saison en 2025, les maraîcher·ères envisagent également d’installer davantage d’espace sous serre. Les serres permettent de mieux gérer les rotations et d’assurer une reprise plus souple en printemps et une fin d'automne plus sereine. L’investissement dans de nouvelles serres impliqueraient des charges supplémentaires parfois difficiles à envisager dans un contexte de crise. L’implantation d'engrais verts sous serre, bien qu’encore trop peu réalisée, pourrait également jouer un rôle crucial dans la gestion durable des sols. D’autres pensent à acheter un peu plus leurs plants, pour se concentrer sur la gestion des cultures. Certain·es ont fait appels à des conseillers techniques pour essayer de gérer techniquement au mieux les productions. Par exemple, le semis de carotte plus tardif permettrait d’être sûr qu’il y a assez de chaleur pour qu’il pousse et que les graines ne végètent pas.
Conclusion
Bien que la situation soit complexe et marquée par plusieurs années difficiles, les maraîcher·ères en AMAP restent déterminé·es et passionné·es. Ils et elles sont prêt·es à faire face à une nouvelle saison avec l'espoir que leurs efforts de diversification pour certain·es, d'optimisation et de gestion des risques porteront enfin leurs fruits. Plusieurs d’entre eux nous ont partagé que le soutien sans faille d’amapien·nes les portaient quotidiennement dans leur métier.
Nous souhaitons donc aux producteur·rices, du soleil, de la lumière pour que les sols sèchent et que les légumes bio et locaux poussent.
ET DANS NOS AMAP, COMMENT REAGIR ET ANTICIPER ?
- Référent·es, prenez des nouvelles de vos fermes partenaires pour identifier s'il y a des points sur lesquels il faut relayer la communication auprès des amapien·nes. Soyez particulièrement attentif·ves aux paysan·nes travaillant seul·es ou installé·es depuis peu.
- Contactez les nouveaux adhérent·es pour leur partager ce qui se joue sur la ferme, en vous répartissant des appels entre personnes motivées par exemple.
- Paysan·nes, prenez le temps de partager à vos amapien·nes ce que vous traversez, les choix que vous faites et comment vous anticipez la saison à venir, que ce soit à la distribution mais aussi par mail, sur vos réseaux sociaux, dans un message sur le groupe de discussion de l'AMAP ou encore lors d'une réunion dédiée. Partagez cet article à vos adhérent·es !
- Si vous choisissez de faire de l'achat-revente pour compléter vos paniers, communiquez auprès des amapien·nes pour qu'ils sachent que vous choisissez d'assumer un coût supplémentaire pour sécuriser votre partenariat.
- Si des investissements sont nécessaires pour consolider l'outil de production (serre, bassin etc.), vous pouvez envisager de faire un prêt à taux zéro ou une cagnotte de dons (plus d'info sur ces dispositifs ici).
- Si des chantiers vont demander beaucoup de temps de travail, anticipez et lancez dès maintenant l'organisation d'ateliers en mars et avril pour permettre aux amapien·nes de s'organiser pour être présent·es.