28 oct 2022

AMAP et climat : politisons le discours et agissons

Le 22 septembre, lors d'AMAP en fêtes, une quarantaine de personnes se sont réunies, à l'initiative de l'AMAP Elément Terre pour échanger sur le changement climatique et son impact sur l'agriculture. Deux bénévoles de The Shifters ont assuré une conférence sur le climat et l'urgence de changer nos comportements individuels. Les administrateur·trices du réseau présent·es reviennent sur cette soirée et poussent la réflexion plus loin pour que nos actions soient collectives, politiques et accompagnent une transformation indispensable de la société et de l'agriculture.

Fabien, maraîcher dans le Loiret subit, comme bien d'autres paysan·nes, les dérèglements climatiques : « Cette année ça a été la sécheresse, mais les années 2018, 2019 et 2020 étaient sèches aussi. Moins d'eau du ciel veut dire plus d'irrigation pour accompagner la croissance des plantes, c'est plus de travail car il faut parfois arroser plusieurs fois par semaine la même planche. » (D'autres témoignages de paysan·nes franciliens dans cet article de septembre dernier). C'est ce témoignage qu'a apporté Fabien lors de la conférence sur le climat organisée par l'AMAP Elément Terre et le Réseau AMAP IdF dans le cadre d'AMAP en fêtes le 22 septembre dernier. La soirée était animée par deux bénévoles de The Shifters qui ont présenté, comme Jean-Marc Jancovici (fondateur de The Shift Project) le fait souvent, un diaporama de graphiques clairs et pédagogiques. La situation est grave et il faut changer nos comportements individuels : réduire la consommation de viande, limiter notre impact numérique, faire du vélo et voyager moins loin, être en AMAP et cuisiner soi-même, acheter des biens en seconde main, etc. La conférence est très convaincante pour motiver à agir et convaincre autour de nous.
En fin de soirée et avant de passer au buffet préparé par l'AMAP, Vicky, bénévole Terre de Liens IdF,  a présenté les achats collectifs de terres agricoles pour installer de nouveaux et des nouvelles paysan·nes et étendre ainsi l'agroécologie paysanne.

Allons au-delà du changement de comportements individuels

Nous étions trois administrateur/trices du Réseau AMAP IdF et du MIRAMAP (Mouvement Inter-Régional des AMAP) présent·es à cette soirée et nous voulons aller au-delà de ces messages.

Le nouveau volet du rapport du GIEC souligne « l'immense fragilité du secteur agricole qui doit se réinventer pour répondre à l'impératif de sécurité alimentaire des populations. Il faut repenser les fondements de l'activité agricole et pousser le monde agricole à mieux prendre en compte ces biens communs que sont l'eau, l'air, les sols et la biodiversité. Un renouvellement en profondeur de nos connaissances et pratiques agricoles est inévitable » (lire l'article d'InPACT Nouvelle-Aquitaine).
En tant qu'amapien·nes, sensibilisé·es aux problématiques agricoles et alimentaires, nous savons que notre génération ne peut faire l'impasse sur une transformation de l'agriculture, qu'on ne peut pas laisser se perpétuer les dégâts causés par les modèles agricoles dominants conventionnels. L'agriculture est au centre des enjeux vitaux du XXI è siècle, pour le climat comme pour l'alimentation.
Néanmoins cette transformation ne peut rester à la seule charge des paysan·nes, c'est un problème de société, de citoyenneté. Cela nous oblige collectivement à être plus politique dans nos réflexions, propositions, plaidoyers et actions.

Dans notre Région, l'Île-de-France, les enjeux sont très forts. Paris n'a que deux jours d'autonomie alimentaire, la région perd ses terres agricoles, ses fermes (moins 22% en 10 ans), sa diversité végétale agricole et surtout sa biodiversité « sauvage ». Le foncier agricole est difficilement accessible aux nouveaux et nouvelles porteur·ses de projets. Nous savons aussi que les personnes en situation de précarité n'ont pas accès à une alimentation saine et de qualité. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ces constats (Sujet au coeur de l'ouvrage "Notre grand Pari"). Pourtant, développer la souveraineté alimentaire régionale permettrait de nourrir mieux les francilien·nes.

Etre amapien·nes est un premier pas, l'AMAP est une alternative concrète mais nous devons aller plus loin. Pour cela, le mouvement des AMAP prône la démocratie alimentaire territoriale.

  • Par exemple, au niveau des communes : oeuvrer à la création de Conseil Citoyen de l'Alimentation pour organiser la restauration collective (écoles, EPHAD etc) mais aussi, pour l'accès de toutes et tous à une alimentation saine et de qualité. Comment ? Interpeler les élu·es ou se faire élire ; êtres actif·ves dans les conseils d'école et dans les commissions des menus. Et pourquoi pas, créer des restaurants solidaires municipaux participatifs encadrés par les CCAS ? Des ateliers cuisine pour réapprendre à cuisiner des produits bruts et locaux ?
  • Au niveau des régions, sauver les terres agricoles de la bétonisation (voir Plateau de Saclay et Triangle de Gonesse) ; préserver et partager les terres pour installer des milliers de nouveaux paysan·nes en polyculture-élévage en installation collective ; faire accélérer la transition agro-écologique et augmenter l'autonomie alimentaire de la région. Partout ouvrir les instances décisionnaires des politiques agricoles aux citoyen·nes pour ne pas laisser les seuls membres de la « profession » agricole décider de ce qui pousse et de ce qui est mangé dans une région.
  • Se former, échanger, se rassembler pour mieux comprendre les enjeux cruciaux  dans notre région et plus loin, jusqu'à l'Europe et la Politique Agricole Commune (PAC).
  • Dans les autres domaines aussi, il faut aller plus loin et agir collectivement. Utiliser davantage le vélo, oui, mais aussi exiger davantage de pistes cyclables et de sécurité ; voyager moins en avion mais aussi faire taxer le kérosène des avions, réguler la circulation des jets privés et augmenter les lignes de trains, leur fréquence et baisser les prix pour les usagers ; baisser notre chauffage mais aider davantage à l'isolation des logements; arrêter de surconsommer oui, et baisser les prix des biens de première nécessité, etc.

Portons notre regard, nos réflexions
et nos actions au-delà de nos assiettes !

 

Par Evelyne, Armand, Laure et Florent, administrateur·trices du Réseau AMAP IdF et du MIRAMAP et Emilie, salariée du Réseau AMAP IdF

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