14 mai 2024

A la découverte de fermes d'ailleurs (épisode 2)

Comme chaque année, une équipe constituée de 10 paysan·nes francilien·nes et 2 salariées du Réseau AMAP IdF est partie à la découverte de paysan·nes en Alsace et en Lorraine pour échanger sur leurs pratiques, notamment en collectif et en maraîchage sur sol vivant. Après le 1er épisode du voyage d'études paru en mars dernier, voici le 2nd qui met l'accent sur les fermes en biodynamie !

Ferme de Truttenhausen, une ferme historique en biodynamie transmis à un collectif qui innove

Nous finissons la journée dans la pénombre à la ferme de Truttenhausen, qui a été créé il y a plus de 45 ans par Antoine. Les activités d’élevage et de maraîchage ont pratiquement toujours été présentes sur la ferme. Depuis le départ d’Antoine (il y a 2 ans), un collectif de 8 salariés avec 6 permanents s’est constitué pour assurer la reprise. Ils ont eu un an pour s’organiser et assurer une continuité dans la production. Les produits sont vendus en AMAP, dans un magasin de producteur à Strasbourg et sur les marchés. La biodynamie est au centre du projet de la ferme.

Choix du statut 

Très vite, l'un des paysans repreneurs s’est posé la question de la SCIC. Ils se sont faits accompagnés par une juriste et l’URSCOP. Ils voulaient être assimilés salariés et avoir une rémunération sur un mandat technique et de production. Ils sont tous gérants et ont pris e temps de rédiger collectivement les statuts de la SCIC. Ils ont bien développé les conditions d’entrées et de sorties dans le règlement.
Le capital social est de 4000 € et a été doublé par la Région. Les garantis sont portés par 4 organismes différents.

Gestion du collectif : « Nous sommes une ferme commune »

Chacun s'occupe d’une production : maraîchage, élevage, transformation laitière, transformation végétale, champignons, PPAM et atelier pédagogique. Il y a des chantiers communs, et des chantiers par pôle. Ces chantiers sont câlés en fonction des pics d’activités.
Ils ont rédigé une charte des fondements / valeurs.
Ils utilisent les outils de CNV (Communication Non violente) et de facilitation, et se font accompagner mensuellement par un médiateur. Au quotidien, ils fonctionnent par cercle avec des référents.
Tout le monde touche le même salaire.
Ils ont conscience qu’ils ne sont qu’au début de l’aventure collective et qu’il y a encore beaucoup de travail à faire : Définir les priorités sur les travaux d’amélioration de la ferme, être aux claires sur leur temps de travail / salaire commun….

Ferme Saint-Blaise : une ferme collective en biodynamie

La ferme Sainte-Blaise existe depuis 1992 : il s’agissait de la ferme familiale de Maurice, qui l’a convertie en bio en 1996 puis Demeter. C'est un pionnier de la biodynamie. La ferme fait 10,5 hectares de maraîchage, dont 1,5 hectare de maraîchage diversifié et 2 000 m² de serres. Ils bénéficient de terres exceptionnelles avec de l’eau à 6,5 m toute l’année, beaucoup de matières organiques et pas de caillou.

Une transmission sur du long cours

Depuis 6 ans, la ferme fonctionne avec 3 associé·es (Louis, Laura, Maurice) dont le cédant (Maurice). Initialement, ils sont arrivés à deux jeunes : Louis sur le maraîchage et Thibault sur le magasin pour le redynamiser. Chaque associé est passé par un an de parrainage financé par la Région avant de s’associer, un système qui n’existe pas en Île-de-France. À la fin de la période de parrainage, le capital de la ferme a été estimé à 105 000 €, sans les bâtiments et les terres qui appartiennent à Maurice qui les loue. Une troisième associée, Laura, est arrivée sur la ferme en 2021/2022 en lançant l’atelier de poules pondeuses. La ferme est aujourd’hui constituée en EARL : ils ont tous le même salaire même si les temps de travail ne sont pas équivalents. Ils ont déjà connu, en 2023, le départ d’un associé, Thibault. Ce n’était pas anticipé, il l’a annoncé 3 à 5 mois avant son départ officiel. Ça a resserré les 3 associé·es restants.

Ils sont accompagnés par un médiateur qui utilise la méthode « Smart Group » : Il anime une réunion mensuelle entre les associé·es, parfois uniquement entre salarié·es et parfois en mélangeant salarié·es et associé·es. Pour Louis, c’est indispensable.

Biodynamie

La biodynamie s’inscrit dans l’anthroposophie, un courant de pensée, une philosophie, issu de Steiner. Mais, il faut être vigilant à différencier biodynamie et anthroposophie : «on n’est pas tous anthroposophe ». Il y a une philosophie de vie, une philosophie agricole, et des valeurs à mettre en cohérence. Dans la pratique, la biodynamie est proche de l’homéopathie. On va « informer » les plantes et les sols.

La biodynamie repose sur deux grandes préparations :

La préparation « 500 » pour les sols

Une bouse de vache est enterrée à l’automne dans le sol dans une corne de vache. La bouse se transforme en une forme de compost, plus colloïdale. Cette préparation est chargée d’information sur la vie du sol. Elle favorise la vie et la structure du sol tout en stimulant la croissance racinaire.  Cette préparation est conservée dans une boite en bois avec des parois bourrés de tourbe pour la préserver des influences extérieures. On dynamise la préparation dans de l’eau : on fait passer l’information dans l’eau par la dynamisation qui dure 1 heure. On utilise environ 100g de préparation pour un hectare. Elle est pulvérisée sur le sol nu grâce à un pulvérisateur à eau classique qui n’est utilisé que pour ça. L’idée est d’informer le sol.

La préparation « 501 » pour les plantes

L’objectif de cette préparation est de structurer la plante en lien avec les astres et la photosynthèse (lumière / chaleur / soleil). Elle est faite à base de quartz broyé (silice). La préparation doit être appliqué par une brumisation fine rapidement après la dynamisation sur une plante adolescente, déjà bien ancrée, pour l’aider à finir son cycle.

Calendrier biodynamique

Il indique quelles cultures (fruits, racines, fleur, feuille) privilégier en fonction de la course du soleil devant les signes du zodiaque. Sur la ferme, ils le respectent globalement, ça donne un cadre pour s’organiser. Lors des « jours noirs » indiqués dans le calendrier, ils évitent les grosses journées de plantation ou récolte sauf en cas de problème météo. Toutefois, certain·es maraîcher·ères en biodynamie vont choisir de privilégier la météo au calendrier.

 

Ried Oasis... une course de relais plutôt qu’une course de fond !

Mathieu, le créateur de la ferme, a pris le temps de nous faire visite les 8 hectares de terre blottis entre la forêt et le village d’Obenheim. Des légumes diversifiés sont produits sur 2 hectares. Des parcelles au repos sont semées d'engrais vert pour conserver la vie du sol et le nourrir en matière organique. Et tous les 15 mètres, entre deux parcelles, le collectif a planté des haies pour enrichir la qualité de l’environnement. Ils sont 5 salariés pour l’instant. Ils s’entraînent à travailler en collectif avant de passer en SCIC. Plusieurs types de réunions sont déjà organisés : « synchro » « stratégique ».  L’objectif de la ferme : « C’est une course de relais plutôt qu’une course de fond, le jour où tu veux passer le relais, tu peux, avec un an d’avance. »

 

Un bilan de ce voyage d’études a été fait dans notre train du retour, les paysan·nes étaient dans l’ensemble très content·es. Il·elles repartent avec des idées d’améliorations sur leur ferme, mais aussi des questions en suspend notamment sur les fonctionnements des collectifs. Nous avons constaté des organisations similaires et complémentaires sur les fermes visitées, bien que le facteur humain ne se contrôle pas…

Nous nous accordons tou·tes pour remercier chaleureusement l'ensemble des paysan·nes rencontré·es.

Intéressé·es par les voyages d'études entre paysan·nes, contactez Lucie.
À l’année prochaine !

 

par Lucie, salariée du Réseau AMAP IdF

 

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