15 mars 2024

A la découverte de fermes d'ailleurs (épisode 1)

Comme chaque année, une équipe constituée de 10 paysan·nes francilien·nes et 2 salariées du Réseau AMAP Ile de France est partie à la découverte de paysan·nes en Alsace et en Lorraine pour échanger sur leurs pratiques, notamment en collectif et en maraîchage sur sol vivant. Découvrez le 1er épisode du voyage d'études pour paysan·nes, le 2nd vous sera dévoilé en avril.

Investissements syndicaux dès l’installation

Lors de la première visite du voyage, à la Ferme du Marais Vert, nous découvrons un système qui s’équilibre en duo (tant astronomiquement que financièrement) avec du maraîchage et de l’élevage de poulets de chairs et pondeuses en AMAP et en point de vente à la ferme. Les parcelles maraîchères se trouvent en plein centre-ville, Anne-Flore et Pierre-Luc ont repris des terres familiales il y a 8 ans. Ils ont tout auto-construit sur la ferme : Les poulaillers, la pépinière, les bâtiments de stockage.

Dès le démarrage, ils se sont investis dans des structures associatives et syndicales. C’était une des conditions à l’installation : faire autre chose que d’être dans les champs. Pierre-Luc est porte-parole de la confédération paysanne Alsace et il est très actif à l’ARDEAR. Anne-Flore est au comité national tous les 6 semaines à Bagnolet. 

Ces deux dernières années, ils se sont également investis sur un projet de sécurité sociale de l’alimentation pour travailler à ce qu’une alimentation de qualité soit accessible à toutes et tous !

Le Maraîchage sur Sol Vivant ( MSV) comme ligne directrice

Baptiste et Simon installés depuis 7 ans en maraîchage, ne jurent que par le MSV, et ce, depuis leur installation ; ils ne cachent pas qu’ils ont vécu des années compliquées et beaucoup d’échecs. Après de très gros travaux de réaménagement et d’organisation des parcelles, il y a 5 ans, ils ont trouvé l’équilibre. La commercialisation se fait uniquement à la ferme 6 mois de l’année, pour eux, c’était plus simple avec leur système agronomique.

Maraîchage sur Sol Vivant

L’ objectif étant d’établir un véritable partenariat avec la pédofaune et pédoflore pour une "agriculture du carbone" qui humidifie et structure les sols, diminue les besoins en fumure et en irrigation, préserve l’environnement et économise le travail des maraîchers à terme.

Les moyens pour y arriver passent par :

  1. une couverture permanente des sols grâce aux engrais verts et aux couverts végétaux, au mulch et aux restitutions des résidus de culture ;
  2. la restructuration du travail du sol au strict minimum ;
  3. la conception et l’utilisation d’un outillage adapté aux besoins du système (manuel, mécanique ou traction animale) ;
  4. la production de biomasse dans les parcelles par les couverts végétaux, les cultures et les arbres ;
  5. par des itinéraires culturaux qui favorisent la diversité de la faune et de la flore.

Leurs pratiques de MSV reposent à la fois sur de la science et sur des croyances. Ils se sont beaucoup auto-formés en suivant des chercheur·euses et maraicher·ères via les réseaux.  Pour eux, l’objectif du MSV est de reproduire le système d’une forêt très fertile. Ils ne travaillent pas le sol sauf quelques coups de grelinettes. Ils n’utilisent aucune fertilisation, ni bouchon, ni fumier. L’azote est apporté par la vie du sol. Ils font du semis direct sur compost. Tout est cultivé avec des copeaux de bois en surface. Ils laissent le bois, il est suffisamment fin pour se dégrader rapidement. En fin de saison, ils plantent des engrais verts (céréales ou légumineuses) jusqu’à février pour structurer les sols et apporter de l’azote. Puis ils occultent pendant 3 mois avec des bâches d’ensilage uniquement.

Un des bémols de leur système :  une grosse dépendance au plastique mais ils récupèrent / réutilisent beaucoup de bâches et ils n’ont recours à aucune mécanisation. Cet usage permet toutefois de stocker beaucoup de carbone.

Les participant·es et les maraîchers se sont échangés des itinéraires techniques intéressants à mettre en place.  Simon et Baptiste trouvent que le MSV réduit la pénibilité du travail.

Une ferme maraichère sur petite surface avec un accès à l’eau limitée

La deuxième journée commence en Alsace chez Ariane et Julien. Quand ils se sont installés il y a trois ans, sur cette parcelle 1,4 ha, le MSV leur a semblé être un système qui leur convenait. Il n’avait pas de gros moyen pour s’installer, donc peu de moyens pour acheter des machines… Le MSV correspondait aussi à leur façon de voir l’agriculture et la vie du sol. Ils commercialisent leurs légumes en panier et aux restaurateurs. Ils louent un corps de ferme dans le village pour le stockage : installation d’une chambre froide en financement participatif.

Gestion de la ressource en eau : ils sont sur une nappe d’accompagnement de la rivière : l’eau se tarit en été, 1 m3 d’eau dispo par jour à partir de juillet. Les conditions sont très difficiles pour les semis d’automne et d’hiver, ils sont dépendants des pluies ; avec la sécheresse de 2022, l’entraide s’est mise en place avec les producteurs du coin. Suite à cet épisode, ils ont construit un petit bassin naturel qui se remplit avec la pluie, l’argile se tasse et ça permet d’étanchéifier, la biodiversité est revenue naturellement (roseaux), la rétention de l’eau s’améliore d’année en année. L’été, ils privilégient de pomper le bassin avant que l’eau ne s’évapore puis ils utilisent l’eau du puits. Nous avons senti que c’était un sujet stressant chez les producteurs.

Pratiques agricoles : ils partaient d’une friche. Ils fonctionnent de façon « opportuniste » . Par exemple agroforesterie d’opportunisme : au défrichage, sélection des arbres en fonction des blocs jardins et des arbres les plus intéressants. Ils perdent de la place sous la couronne des arbres, mais les arbres apportent des mycorhizes, rendent de l’eau et font de l’ombrage en été. Aucune zone du jardin ne reçoit pas d’ombre à un moment de la journée.

Suivi agronomique que nous avons vu nulle part ailleurs : ils utilisent de la lactofermentation de plantes régulatrices (achillée, consoude, etc. + sel) pour renforcer la santé des plantes (c’est une préparation qui vient avant le stade du purin, anaérobie) .

Semences paysannes :  Julien et Ariane font partie d’un projet d’autoproduction de semences paysannes. Il y a localement un groupe de 12 maraicher·ères autour du projet. Chaque année, ils se réunissent pour définir les binômes qui vont produire les mêmes semences pour avoir un mix génétique. Tout le monde apporte dans tous les cas des graines de tomates. Ils ont mis en place des protocoles, des tests de germinations. Ils ont un tamis de tri depuis 2023. Ils aimeraient avoir une colonne de tri de l’atelier paysan, mais le prix actuel est un frein. La 1re année de production de semences, ils ont fait cébettes, persil et coriandre. En 2023, ils ont fait navets et salade.

 

Retrouvez l'épisode 2 dans la lettre du mois d'avril !

par Lucie, salariée du Réseau

 

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