14 fév 2024

« Trop grosses » pour être en AMAP ?
Comprendre la diversité des modèles de fermes en AMAP

Dès leur installation et au fil des saisons, les paysan·nes prennent des décisions pour leur ferme, fonction de leurs envies, leurs contraintes et leurs possibilités : surface, mécanisation, (non) travail du sol, type de semences, bâtiments, stockage, salariat, associé·es, etc. Cinq paysan·nes ont témoigné de leurs choix pendant le voyage d’études amapien·nes de novembre 2023 : des recontres pour découvrir et comprendre cette diversité qui fait aussi la richesse de l’AMAP !

Des fermes « trop grosses » pour être en AMAP ?
Le besoin d’échanger sur la diversité des modèles de fermes en AMAP

En juillet 2022, dans le cadre du voyage d’études amapien·nes, le témoignage du maraîcher céréalier qui nous accueille interpelle les participant·es. Lorsqu’il contacte des groupes AMAP pour lancer un nouveau partenariat, certains lui rétorquent que sa ferme serait « trop grosse » pour être en AMAP. L’atelier de maraîchage de sa ferme fait en effet 10 hectares. Il a été initié pour diversifier les activités de sa ferme céréalière de 180 hectares, avec l’objectif d’avoir une production qu’il puisse vendre en direct. Cet atelier maraîchage implique une main d’œuvre conséquente : ce sont 8,5 ETP (équivalent temps plein) qui y travaillent.

Ce témoignage traduit le décalage qu’il peut y avoir entre paysan·nes et citoyen·nes. Eloigné·es des réalités des premiers, il est parfois difficile pour les seconds de comprendre les choix des exploitant·es en termes de surface, mécanisation, utilisation de bâches plastiques, de semences hybrides etc. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette incompréhension, notamment :

  • Le besoin urgent de réduire notre consommation de ressources fossiles (plastique, pétrole etc.) qui questionne l’utilisation de tracteurs, de bâches, de stockage réfrigéré, etc. ;
  • La compréhension croissante de la vie du sol et des impacts sur celui-ci des différentes pratiques agricoles ;
  • La visibilité croissante de modèles alternatifs de petite ferme maraîchère sur des micro-surfaces en non-travail du sol, qui entre en décalage avec les modèles de fermes existantes, notamment en Île- de-France (ferme céréalière sur des grandes à très grandes surfaces).

Alors, pour mieux comprendre ces choix et leurs implications, les 17 et 18 novembre 2023, 18 amapien·nes sont parti·es en voyage d'études à la rencontre de 6 maraîcher·ères en AMAP.
Découvrez les fermes visitées en cliquant sur l'image :


 

5 expériences de maraicher·ères pour comprendre les choix des paysan·nes et connaître leurs implications !

Lors des 5 visites de fermes du voyage d’études, l’objectif était double : comprendre les décisions prises par ces exploitant·es agricoles et identifier les impacts de ces choix sur leur travail.
Dans cet article, plutôt que de détailler les modèles de fermes de ces 6 maraîcher·ères, nous tenterons une synthèse des enjeux !

Pour chaque choix relatif à l’outil de production, plusieurs facteurs influencent la décision finale de l'exploitant·e :

  • Les parcours des paysan·nes, leur éthique, la façon dont il·elle souhaite travailler, les capacités physiques etc.
  • Les spécificités de leur site d’installation (surfaces, type de sols, disponibilité de la ressource en eau, site protégé etc.) : chaque outil de production a des avantages et des contraintes à prendre en compte. Certain·es s’installent sur une ferme qui a déjà des équipements et bâtiments, tandis que d’autres construisent la ferme intégralement en partant d’un terrain nu.
  • Les moyens financiers disponibles, le fait d’être prêt·e ou non à recourir à des emprunts bancaires ou le besoin de rémunération qui peut varier en fonction de la situation personnelle par exemple.
  • Le nombre de personnes travaillant sur la ferme et leurs statuts (associé·es, salarié·es, bénévoles etc.).
  • Le territoire de la ferme, et les partenaires éventuels sur lesquels il·elle peut s’appuyer.
  • Les opportunités ou aléas propres à chaque ferme.

Comme les outils de production évoluent avec le temps et les façons de travailler avec la pratique, une ferme avec dix ans d'expériences ne fera pas les mêmes choix qu’une ferme en cours d'installation. Si certain·es choisissent dès leur installation de se passer de machines, d’autres le font progressivement après plusieurs années de mécanisation. Au contraire, avec les années, certain·es finissent par s’équiper davantage et se mécaniser pour diminuer la pénibilité physique du travail.

Les choix vont ensuite structurer progressivement l’outil de production et donc les conditions de travail. On identifie plusieurs impacts, qui relèvent notamment de la viabilité économique et de la vivabilité :

  • Le volume de production potentiel de la ferme : par exemple, certain·es peuvent souhaiter « changer d’échelle » dans les volumes produits ;
  • Le montant des charges de la ferme et le niveau d’endettement, qui peuvent induire une exigence forte de volume de production pour être rentable. Ou à l’inverse, l’autonomie financière de la ferme si elle n’a pas recours à des emprunts bancaires.
  • Le temps de travail ;
  • La charge mentale ;
  • La pénibilité physique du travail, notamment concernant le recours à des machines ou à du travail manuel ;
  • L’épanouissement, l’équilibre vie pro-vie perso, par exemple la capacité à partir en vacances.

Comprendre la diversité des fermes en AMAP : premier article d’une nouvelle série pour la lettre d’info !

Cet article vous a interpellé, vous voulez en savoir plus ? Alors abonnez-vous à la lettre d’info et découvrez la suite dans des articles à venir pour explorer et comprendre des choix structurants pour ces fermes (mécanisation, équipement et bâtiment, etc.).

Des impacts sur les partenariats : trouver la bonne adéquation entre modèle de ferme et projet de l'AMAP !

Si l’on continue de tirer les fils de la pelote, on constate que les décisions structurant la production impactent fortement les partenariats des fermes avec les groupes AMAP.
Une ferme ne proposera pas le même panier de légumes si elle est mécanisée ou en non travail du sol. La conservation et la qualité gustative des légumes sera différente si le paysan·ne utilise une chambre froide électrifié ou s'il choisit de laisser les cultures en terre pour être conservé jusqu'à la distribution. Certaines fermes sont mécanisées pour récolter les pommes de terre, tandis que d’autres organisent des journées à la ferme pour récolter manuellement tou·tes ensemble les pommes de terre de la saison.

Le mouvement AMAP défend l’autonomie de ses membres pour décider de nouer un nouveau partenariat, et ce, tant que la charte des AMAP est respectée. Il s’agit donc pour chaque groupe AMAP ou chaque ferme de trouver le partenaire qui corresponde à ses pratiques. Pour « trouver chaussure à son pied », la communication est indispensable. Ce qui sous-entend d'avoir identifié ce qui compte pour le groupe vis-à-vis de la ferme partenaire : proximité, pratique agricole, variétés etc., puis de rencontrer et échanger avec une ferme potentielle partenaire pour comprendre ses choix et les spécificités de sa ferme. Et ainsi vérifier l’adéquation entre le modèle de la ferme et le projet de l’AMAP !

Retrouvez le témoignage de Sylvie et Christophe pour se poser les bonnes questions pour mettre en place un partenariat qui répondent aux besoins de chacun·e et pérenne dans le temps  :

 

par Astrid, salariée du Réseau AMAP IdF

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