3 juin 2024
Témoin des 20 ans : Nicolas Laurent nous raconte...
Bonjour amapiennes et amapiens d'IdF,
La plupart d'entre vous ne me connaisse pas, car je n'ai été présent en France que les 4 premières années du réseau. Je suis le co-fondateur de la 1ère AMAP d'IdF en 2003, puis du réseau IdF en 2004, et je vais vous en raconter brièvement leur histoire. J'avais l'intention de le faire lors de l'AG du 23 mars. C'était une des 2 raisons de mon passage en France à ce moment, mais j'ai attrapé une pneumonie qui m'a cloué au lit avec de la fièvre juste 3 jours avant l'AG. Bref...
L'origine des AMAP en France
Vous avez entendu parler des Teikei au Japon et des fermes communautaires en Allemagne qui se sont développées dans les années 60-70, qui ont inspiré les CSA (en québécois ASC : Agriculture Soutenue par la Communauté) aux Etats-Unis et Canada dans les années 90.
C'est en 2001 dans le Var à la ferme de la famille Vuillon que s'est créée la 1ère AMAP en France avec le soutien d'ATTAC et de la Confédération Paysanne (d'où le changement de nom d'ASC en AMAP). Les Vuillon avaient découvert les CSA aux Etats-Unis en rendant visite à leur fille qui vivait là-bas.
Très vite, d'autres fermes et futurs amapiens furent intéressés pour faire de même. Les différentes associations impliquées ont alors fait appel à l'Alliance nationale Paysans Ecologistes Consommateurs, un collectif associatif qui s'était fait connaître par son implication dans les débats sur la PAC (Politique Agricole Commune) dans les années 90. L'Alliance nationale aida alors les collectifs à créer une Alliance régionale PACA. C'est pour cela que certains réseaux AMAP s'appellent Alliance PEC {nom de la région}.
A cette époque, l'Alliance nationale était en bout de course et cherchait un moyen de remplacer son animatrice sur le départ, tout en espérant proposer un accompagnement aux projets AMAP qui commençaient à éclore hors PACA. Et c'est là que mon histoire croisa celle des AMAP.
Ma rencontre avec les AMAP
En 2002, j'étais en avant-dernière année d'école d'ingénieur en agronomie et des industries alimentaires. J'étais très insatisfait par la formation qui ne parlait que d'agriculture chimique et industrielle.
À l'été 2002, j'ai décidé de faire un stage à l'association de Pierre Rabhi Terre et Humanisme. J'avais entendu parler du mouvement de Pierre Rabhi "l'insurrection des consciences" sur internet, et j'avais vu qu'il avait une association d'agroécologie en Ardèche. J'y suis donc allé pour faire du bénévolat pendant plusieurs semaines, où j'en ai profité pour approfondir mes connaissances en agroécologie et lire ses livres. C'est à cette occasion que j'ai découvert le premier dossier sur les AMAP rédigé par ATTAC Var. Je suis tout de suite tombé amoureux du concept, et ai commencé à faire des recherches sur internet sur l'équivalents des AMAP à l'étranger, car à l'exception du dossier d'ATTAC, il n'existait pas encore d'autres informations sur les AMAP en France. J'ai alors contacté l'association qui avait commencé à s'occuper de promouvoir les AMAP à l'époque, l'Alliance PEC nationale.
L'Alliance nationale m'a alors proposé de faire mon stage de fin d'études sur l'accompagnement des projets AMAP en dehors des régions PACA et Midi-Pyrénées, qui étaient déjà bien organisées. Je suis alors d'abord allé plusieurs semaines chez les Vuillon pour faire connaissance du réseau et des projets locaux. J'ai étudié leur fonctionnement, et est rédigé un guide à la création des AMAP que j'ai utilisé pour accompagner la création des premières AMAP en Rhône-Alpes, Alsace, Aquitaine, et bien sûr en Île-de-France avec la création d’une AMAP dans mon quartier à Pantin. C'est ce guide, augmenté de quelques interviews, qui a été distribué lors de la 1ère rencontre internationale sur les contrats locaux à Aubagne en 2004, rencontre qui a ensuite donné naissance au réseau MIRAMAP.
Les AMAP en IdF
Dès que j'ai commencé à m'occuper des projets AMAP, j'ai voulu en créer une par moi-même. Je suis entré en contact avec les associations locales comme le GAB (Groupement des Agriculteurs Bio) et la Conf' pour connaître quels paysans pourraient être intéressés. Et au départ, ce n'était pas gagné, le concept était trop innovateur et idéaliste ("Quoi ? Des clients qui paient un an à l'avance et sont prêts à partager les risques, impossible !"). Je me rappelle avoir participé à une rencontre des ingénieurs agronomes d'IdF durant laquelle j'ai parlé de mon projet de créer des AMAP en IdF, et d'entendre les ingénieurs seniors dirent "ça ne marchera jamais cette idée, tu ferais mieux de te faire embaucher par Carrefour", merci pour les conseils, hahaha.
A l'époque, les 2 seuls paysans activement intéressés par les AMAP étaient Emmanuel, un céréalier du plateau de Saclay, déjà en discussion avec un groupe qui se battait pour la préservation des terres agricoles du plateau, et Fabien qui était en insertion dans une couveuse d'activité dans l'Oise. Nous avons donc commencé avec Fabien pour l'AMAP de Pantin, et mangé beaucoup de radis noirs la première année, hahaha ! A quoi ressemblait notre AMAP en 2003 ? Je vous invite à regarder le reportage qu'Arte avait réalisé à l'époque.
Une fois que Pantin a démarré, cela a donné de la confiance à d'autres fermes et d'autres groupes qui se sont vite manifestés. J'avais pour ma part fini mon stage à l'Alliance PEC nationale qui n'avait plus de fonds pour continuer à fonctionner. Voyant l'engouement pour les projets en IdF, j'ai pris l'initiative de réunir les acteurs locaux et de leur proposer de se mettre en réseau. Nous nous sommes réunis à la ferme du Bonheur et avons acté la création d'un réseau AMAP IdF. Les membres présents m'ont fait confiance pour monter et faire fonctionner l'association de A à Z, en me donnant pouvoir pour en devenir le 1er salarié. Grâce aux conseils d'une association pour porteurs de projet (Projet 19, si je me rappelle bien), j'ai obtenu un financement européen pour fonctionner pour 6 mois, pendant lesquels les projets AMAP et leur reconnaissance ont explosé, et d'autres financements locaux ont suivi de manière naturelle. Pour l'anecdote, un responsable de la DRTEFP (Direction Régionales du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle) m'avait appelé pour me dire qu'il adorait notre projet et qu'il avait encore 50.000 euros de budget disponible, hahaha ! De même, je n'ai jamais dépensé un centime en marketing et communication, toutes les semaines nous avions des journalistes qui me contactaient pour faire des reportages ou interviews. Que ce soient financeurs, média, fermes, ou consom'acteurs, toutes et tous étaient séduit par l'aspect révolutionnaire du concept.
Les défis des AMAP
Nous nous sommes également très vite rendus compte des défis auxquels nous aurions à faire face en IdF : nombre de fermes insuffisantes pour satisfaire la demande, besoin de préserver les espaces agricoles face à l'urbanisation, besoin de former de nouveaux paysans notamment aux spécificités du fonctionnement en AMAP, faire la distinction avec les imitations pour préserver l'éthique AMAP, etc.
A l'époque, j'étais aussi administrateur à Terre de Liens, ce qui m'a permis de rencontrer Valérie (salariée de Terre de Liens) et de l'accompagner sur le même modèle que le réseau pour la création de Terre de Liens IdF.
Fondation pour l'accès à la terre, couveuse d'activité agricole, accès des populations fragiles aux AMAP etc., tous ces chantiers avaient déjà germé dans nos esprits, comme vous pouvez le constater dans le document de synthèse que j'avais réalisé en 2006. Je n'ai cependant pas eu l'occasion d'y participer personnellement car j'ai pris la décision en 2007 de me concentrer sur mon projet suivant : la médecine traditionnelle chinoise. J'ai toujours vu ma participation au réseau comme une étape dans mon projet personnel global, j'ai aussi toujours eu l'idée qu'il est bon de renouveler les équipes après quelques années pour apporter des nouvelles idées et dynamiques. C'est donc sans regret et satisfait de mon bilan que j'ai laissé ma place.
M'occuper des AMAP pendant plusieurs années a été un moment formidable dans ma vie, rempli d'idéalisme, de changement, et de belles rencontres.
Je souhaite à toutes les AMAP de rester un modèle en matière de décroissance, de respect de l'environnement, de la promotion d'une alimentation saine, d'un commerce équitable, du renouvellement des connexions sociales et à la Nature, et le plus important, un moteur de transformation des consciences.
Bon anniversaire et à bientôt !
Nicolas LAURENT
Co-fondateur de l'AMA3P et du Réseau AMAP IdF
En Chine depuis 2008 où j'exerce la psychothérapie et le coaching
Si vous voulez me laisser un message : nico.bio@hotmail.fr