29 sept 2022

Renforcer la solidarité avec les paysan·nes : ce que nous apprend l'étude 2022 !

Crises sanitaires, évènements climatiques, conflits géopolitiques, inflation... les crises s'accumulent et mettent à rude épreuve les fermes. Comment renforcer les solidarités dans les partenariats AMAP et consolider la résilience des paysan·nes  face à ces crises ?
En 2022, les Réseaux des AMAP Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes ont lancé une étude sur leurs territoires respectifs afin d'identifier plus précisément les types de difficultés rencontrées par les fermes en AMAP, de recenser les initiatives de solidarités  existantes entre les paysan·nes et les amapien·nes, et de comprendre les freins et les leviers à la mobilisation des amapien·nes pour aider leurs fermes partenaires.

Parmi les nombreux constats de cette étude très complète (à découvrir à la fin de l'article), on peut retenir que :

  • Il existe un décalage de perception des aléas entre ce que vivent les fermes et ce qu'en ressentent les amapien·nes : ainsi certaines difficultés rencontrées par les fermes sont sous-estimées par les amapien·nes, qu'elles soient fréquentes  (comme les aléas climatiques) ou plus occasionnelles (comme les problèmes de santé physique ou psychique, les difficultés d'écoulement des récoltes, ou la charge administrative, qui vient souvent s'ajouter à d'autres difficultés).  Le fait que ces difficultés soit sous-estimées par les amapien·nes laisse penser que les paysan·nes ne sont pas toujours en capacité de partager leur situation, ou encore, que les amapien·nes ne sont pas toujours réceptif·ves à ces échanges.
  • La dimension intime, l'impression d'échec personnel, la "fierté paysanne" sont autant de freins à la libération de la parole et par conséquent à la perception du problème par les amapien·nes à sa juste valeur. Pourtant, lorsque le besoin de solidarité est exprimé directement par les paysan·nes, la mobilisation des amapien·nes est effective.
  • L'ancienneté dans le métier ou encore en AMAP facilite l'expression des difficultés par les paysan·nes. La relation de confiance avec un·e interlocuteur·rice privilégié·e au sein de l'AMAP, qu'il s'agisse ou non d'un·e référent·e, est également facilitant.
  • La solidarité est plus faible pour les paysan·nes éleveur·euses, céréalier·ères, arboriculteur·rices... que pour les maraîcher·ère. Leurs contrats ne sont pas adaptés à leurs contraintes de production, fonctionnant bien souvent sur une logique de pré-commande de volume de produits plutôt qu'un engagement sur une part de production variable en fonction des aléas. La relation avec les amapien·nes est vécue comme moins privilégiée par les paysan·nes non-maraîcher·ères.
  • Les AMAP disposent d'une capacité d'adaptation pour soutenir les fermes. L'AMAP permet une présence concrète et une réelle participation au soutien moral des paysan·nes. Basé sur l'interconnaissance, ces relations entre paysan·nes et amapien·nes répondent au besoin d'accompagnement humain et améliore la vivabilité du travail de paysan·ne.
  • Paysan·nes et amapien·nes témoignent que c'est avant tout les motivations militantes de soutenir une autre forme d'agriculture et les motivations humaines et affectives qui permettent de mettre en place des initiatives de solidarité. La solidarité dans les partenariats AMAP est aussi le fruit de motivations plus individuelles résultant d'une logique d'interdépendance et d'un intérêt commun : disposer d'un panier de qualité, accéder à une aide extérieure peu coûteuse.
  • Les bonnes pratiques des amapien·nes et paysan·nes sont indispensables pour une solidarité effective. Le contrat en est la base et doit être pensé pour garantir la viabilité économique du partenariat. Il doit faire l'objet d'échanges entre paysan·ne et amapien·nes pour répondre au mieux aux besoins et attentes respectifs.
  • Si l'étude fait ressortir le besoin d'ouvrir des espaces de parole pour les paysan·nes, il semble aussi nécessaire d'accompagner les référent·es et plus largement les amapien·nes à écouter les besoins des paysan·nes et à y réagir. Les situations difficiles peuvent être compliquées à entendre et à prendre en charge. Des échanges avec Solidarité Paysans, qui forme justement ses bénévoles sur ce sujet, ont abouti à l'ide de créer une dynamique commune autour de ces enjeux.

En conclusion :

Dans le mouvement des AMAP, l'idée d'un « désengagement » est actuellement assez présente. Les comportements consommateurs existaient déjà il y a vingt ans au début des AMAP. Cela n'empêche pas de maintenir une certaine vigilance, notamment dans un contexte de concurrence entre circuits courts, et de nécessaire renouvellement des collectifs AMAP.
Ces études menées en AuRA et IDF ont souligné l'importance de (re)mettre la solidarité au cœur du modèle AMAP. La solidarité en AMAP revêt une dimension collective cruciale dans la mesure où elle répond à des enjeux systémiques. En d'autres termes, être solidaire en AMAP est un acte politique, ce n'est pas donner ou recevoir la charité, c'est prendre en charge collectivement la question de notre système agro-alimentaire en général.
Face aux crises sanitaires, climatiques et économiques, des débats s'ouvrent : faut-il flexibiliser ou consolider le modèle AMAP ? La question n'est évidemment pas tranchée ici, mais elle appelle à un véritable travail effectué à l'échelle des réseaux et du MIRAMAP : renforcer la résilience du modèle AMAP en travaillant sur les fondamentaux du partenariat et en admettant ses limites.

Pour aller plus loin

Méthodologie des études

Les études mentionnées dans cet article ont été menées en 2022 sur les régions AURA et IDF, par Olivier Marro et Marie D'Antimo

Pour mener à bien ces deux études, un questionnaire en ligne a été diffusé aux paysan·nes et amapien·nes (177 réponses en AURA, 101 réponses en IDF) pour recenser largement les aléas auxquels sont confrontés les fermes et les initiatives mises en place pour y répondre. Puis, des entretiens ont été réalisés avec des amapien·nes et des paysan·nes (25 en AuRA, 44 en IDF) afin d'avoir une compréhension plus fine des leviers et des freins aux initiatives de solidarité dans les partenariats AMAP.

Ces études comportent un certain nombre de biais :

  • Nous avons choisi de nous concentrer sur les initiatives de solidarité pour soutenir les fermes. Pour autant, les paysan·nes font aussi preuve de solidarité envers leurs amapien·nes (pas d'augmentation du prix malgré l'inflation et la hausse des charges,  efforts mis en œuvre pour assurer une continuité de la production et des livraisons malgré les aléas etc.).
  • Un vrai travail concernant la représentativité a été fait pour cette étude, que ce soit en termes de répartition géographique, de types de production pour les fermes, de tailles et d'ancienneté pour les AMAP, etc. Néanmoins, cette étude ne prétend pas avoir atteint une représentativité complètement satisfaisante. Chaque étude du même genre se confronte au fait que les répondant·es sont bien souvent des personnes déjà intéressées par le sujet étudié, ce qui peut entraîner une certaine distorsion dans le travail d'analyse.

 

 

 

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