31 août 2022

Semences paysannes... kezako ?

L'été sec et caniculaire que nous venons de vivre, mais aussi les épisodes de gel précoces de l'hiver dernier, ont mis à nouveau en lumière le besoin de recourir à des cultures plus résistantes aux effets du dérèglement climatique. Avec leur génétique plus variée, les semences paysannes sont mieux armées que les variétés commerciales proposées par l'agro-industrie. Voici une occasion de faire un focus sur les semences paysannes et où nous en sommes en Île-de-France.

Un peu de biologie et de terminologie…

Quand on parle de semences, on pense à la graine. Ce support biologique, issu de la fécondation d'un ovule présent dans la partie femelle d'une plante (ovaire et pistil) et d'un grain de pollen venant d'une étamine (partie mâle) de la même fleur ou d'une autre fleur. La graine contient toute la plante en devenir… Les légumes, les fruits et les céréales de notre panier AMAP viennent de cette graine.
La semence, elle, correspond à la graine à laquelle s'ajoute un savoir, celui du·de la paysan·ne qui la produit et la cultive.

Un peu d'histoire…

Pendant des millénaires, les semences agricoles étaient prélevées par le·la paysan·ne dans ses récoltes pour être re-semées. Les paysan·nes développaient un savoir-faire pour sélectionner les graines les plus adaptées au terroir local (sol, conditions climatiques, manière de cultiver …). En résultaient autant de variétés de semences que de paysan·nes les produisant. L'échange des semences entre les paysan·nes contribuaient à enrichir la diversité génétique des variétés.

Dans les années 1900, les collectionneurs de semences souhaitent distinguer des nouvelles variétés en les inscrivant dans des catalogues de vente et en ayant recours à des brevets. A partir de là, les pratiques de sélection, de production et de distribution des semences vont évoluer pour répondre aux besoins de l'agriculture conventionnelle. La production de semences sort progressivement de l'enceinte des fermes. Dans les années 30, l'industrie agro-alimentaire pousse l'uniformisation des cultures pour faciliter les process de production. Les semenciers développent alors des lignées pures donnant des plantes toutes semblables pour standardiser les conditions de production et augmenter les rendements.. Mais ces plantes « parfaites » sont aussi plus fragiles face aux stress sanitaires inhérents même au vivant. Pour les « protéger », l'agro-industrie fournit les produits chimiques et pesticides en tout genre… Elle propose également des semences hybrides, dites F1 issus du croisement entre 2 lignées pures permettant l'expression poussée de certaines caractéristiques des lignées parentes. Mais ces F1 ne sont pas reproductibles obligeant les agriculteur·rices à racheter des semences chaque année donc d'être moins autonome.  A la sortie de la 2nde Guerre Mondiale, la législation impose l'inscription de chaque nouvelle variété au catalogue officiel et l'échange de semences est alors considéré comme illégal au nom de la protection réglementaire des brevets.

Depuis un peu plus d'une vingtaine d'années, la question des semences utilisables en agriculture biologique fait à nouveau émerger des pratiques paysannes de sélection et de production de semences paysannes. Ces semences sont aussi appelées variétés populations*. Le Réseau Semences Paysannes voit le jour en 2003 suite à la présentation d'une étude menée par la FNAB et la Confédération Paysanne. Ce réseau remet les notions de bien commun et de co-évolution entre les plantes, les communautés et les territoires au cœur des enjeux de production des semences. Depuis un peu plus de vingt ans des collectifs de paysan·nes produisant et échangeant des semences paysannes se constituent en France : Kaol Kozh en Bretagne, La Semencerie en Bourgogne Franche-Comté, BiauGerme dans le Lot et Garonne, etc. La plupart fait partie du Réseau Semences Paysannes.

Mais la législation tarde à accompagner cette reprise des pratiques paysannes du fait des conflits d'intérêts du principal acteur en la matière, le GNIS (groupement national interprofessionnel des semences et des plants). Si les semences non inscrites au catalogue officielle peuvent être cédées à titre gratuit sous réserve de certaines conditions sanitaires, leur vente aux professionnels reste interdite. En 2020, un pas de plus est néanmoins franchi : la vente de semences paysannes non inscrites au catalogue officiel est autorisée aux amateurs !

Les semences paysannes dans les AMAP franciliennes ?

En 2016, à l'occasion d'un voyage d'étude organisé par le Réseau, des paysan·nes francilien·nes rencontrent la coopérative Sativa qui produit des semences paysannes en Suisse. Cette année marque le début de la mobilisation d'un noyau de paysan·nes en AMAP en IDF sur le sujet. La création de l'ADEAR IDF (Association pour le Développement de l'Emploi Agricole et Rural) en 2019 apporte un cadre pour travailler sur le sujet. Sophie, salariée à mi-temps à l'ADEAR IdF anime en partie ce réseau d'une vingtaine de paysan·nes, en leur proposant 2 réunions par an.

Le Réseau AMAP IdF collabore étroitement avec l'ADEAR IdF : ainsi les voyages d'études paysan·nes de 2021 et 2022 ont permis d'aller à la rencontre des collectifs bretons et franc-comtois. L'occasion notamment de voir et de manipuler une colonne de tri, matériel central pour la production de semences, et de prendre tous les conseils pour en construire une. La prochaine étape : l'ouverture d'une maison des semences à Savigny-le-Temple pour accueillir cette nouvelle colonne de tri et permettre son utilisation mutualisée par le groupe de paysan·nes.

 

En savoir +

Paysan·nes, vous avez envie d'en savoir plus ?
> contactez Sophie Woehling (ADEAR IdF)

Amapien·nes, citoyen·nes, vous envie d'en savoir plus sur les questions des semences ?
Le Réseau AMAP IdF et les Ami·e·s de la Conf' proposent 2 formations courtes à l'automne :

Des ressources sur le sujet :

* variété hétérogène formée de mélanges d'individus relativement proches, mais présentant une certaine diversité génétique. La population possède de ce fait un pouvoir évolutif qui lui permet de s'adapter en continu aux variations du milieu car il existe toujours en son sein des individus mieux adaptés aux conditions, qui, du fait de la sélection naturelle, tendent à laisser plus de descendants. L'agriculteur peut alors laisser opérer cette sélection naturelle, ou bien orienter la sélection en choisissant lui-même des individus » - source : Inf'OGM

 

Par Claire, salariée du Réseau AMAP IdF

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