29 janv 2021
Portrait : Anna l'atypique
Ce mois-ci, Maud vous emmène à la découverte d'Anna, nouvelle salariée de l'association Abiosol - association regroupant le Réseau des AMAP, Terre de Liens IdF et les Champs des possibles, pour accompagner au mieux les porteurs de projet à l'installation agricole. Anna est désormais en charge de la sensibilisation et de la communication à Abiosol.
Anna l'atypique
« Ma trajectoire n’est pas linéaire », dit-elle d’emblée. Ces trajectoires divergentes sont pourtant de celles qu’on préfère ! Tout a commencé par des études d’arts appliqués en 2006. Anna se voyait dessinatrice textile et travailler dans la mode, mais a fini dans la section matériaux de synthèse à créer des masques pour le théâtre.
A la sortie elle rejoint un collectif créé par sa sœur à Saint-Denis qui propose du design participatif. Elles montent des ateliers pour apprendre aux habitants de la cité Joliot Curie à créer leur propre papier-peint sérigraphié et dans la foulée créent une marque de papier-peint artisanal « made in Saint-Denis ». L’association ferme ses portes en 2016 après huit années d’aventures intenses et formatrices. La suite se passe dans un bureau de style plus sage où elle apprend à créer du linge de maison. C’est là que survient la crise de la pré-trentaine : quel est le sens et l’impact sur le monde et le vivant de mon activité ? A quoi bon inventer des collections qui changent à chaque saison alors que les matières premières s’épuisent ?
Trouver du sens : cap sur le changement de vie
Alors démarre cette période familière et enthousiasmante qui précède les changements de vie : elle lit tout ce qu’elle peut sur la permaculture, fait son jardin, commence à fantasmer sur une installation agricole et décide de reprendre ses études. Après quelques mois de terrain durant lesquels elle tond des pelouses et taille des haies, et de bénévolat à la REcyclerie, où elle fait la connaissance de Lucie (cf. notre précédent portrait ici, du temps où Lucie était salariée Abiosol et pas encore salariée du Réseau AMAP IdF), qu’elle a retrouvée depuis dans les bureaux du Mundo, elle entame une licence pro « Écopaysage urbain » proposée par le Museum National d’Histoire Naturelle, l’université Paris Sud et l’école Du Breuil. C’est une licence en alternance : en parallèle elle décroche un stage au Conseil départemental du 92 pour requalifier un vieux jardin sur l’Ile-St-Germain à Issy-les-Moulineaux, afin de le rendre accessible à tous les publics, notamment à mobilité réduite. Elle doit donc mettre en pratique ses connaissances paysagères et botaniques toutes fraîches et les adapter aux contraintes des personnes porteuses de handicaps moteurs et psychiques. Le projet est validé par le Conseil Départemental et financé. À l’époque, elle croit beaucoup à l’effet de levier des collectivités et à leur capacité à préserver la biodiversité en milieu urbain. Revers de la médaille administrative, le poste de paysagiste départemental qui lui est proposé dans la foulée n’aboutira pas car elle ne figure pas sur la bonne grille.
Des jardins thérapeutiques au GAB IdF ....
Alors pendant sa recherche d’emploi qui va durer un an, elle creuse le sujet des jardins thérapeutiques et supervise la réalisation d’un projet de terrasse-jardin à l’hôpital Robert-Debré, initié dans le cadre d’un projet étudiant avec la Fondation Truffaut. A cette occasion elle est sollicitée par un collectif qui invente une ferme florale sur les toits de l’hôpital dans le cadre de l’appel à projet «Parisculteurs 2» de la Mairie de Paris. Elle fait les plans du jardin, le projet est lauréat. Aujourd’hui ces fleurs locales finissent en bouquet chez des fleuristes parisiens et sont aussi livrées à vélo aux particuliers par la Ferme Florale Urbaine (www.fermeflorale.paris/).
C’est alors qu’elle tombe sur une annonce du GAB Ile-de-France (Groupement des Agriculteurs Biologiques) qui cherche un.e chargé.e de communication pour quelques mois. Elle postule, est recrutée et restera finalement plus de deux ans. C’est là qu’elle se familiarise avec le milieu agricole et sa (parfois dure) réalité. Tout en accomplissant sa tâche de graphiste, elle porte au sein du GAB la question de la biodiversité, qui continue de l’intéresser et se voit ainsi confier une mission à mi-temps soutenue par la Région pour faire un état des lieux régional de la biodiversité au sein du milieu agricole. Il s’agit de mener de front une enquête à destination de toutes les fermes adhérentes du GAB et un projet pilote avec une dizaine d’entre elles qui se déclarent intéressées par le sujet.
Des naturalistes professionnels et étudiants viennent faire des diagnostics sur la flore et la faune, et les fermes pilotes se voient remettre un rapport avec des préconisations et des outils réglementaires. Le bilan de cette mission est positif : malgré le manque de temps et de moyens, elle sent une vraie envie de prendre en compte ce sujet chez les fermes bio qui se sont manifestées, et constate que certaines pratiques sont déjà bien amorcées. Le rendu à peine bouclé, Anna rejoint enfin Abiosol en fin d’année. Cela fait un moment qu’elle côtoie les structures membres et leurs salarié.es. Au printemps dernier, elle avait d’ailleurs candidaté pour le poste désormais occupé par Astrid au Réseau. Ainsi quand elle apprend qu’Abiosol a obtenu des fonds de la Ville de Paris, à l’issue d’une étude commandée par la Direction pour L’attractivité et l’Emploi sur le potentiel d’emploi des métiers agricoles, elle soumet sa candidature avec entrain et remporte les suffrages de la commission de recrutement haut la main.
.... à Abiosol, toujours avec un projet agricole dans un coin de la tête !
Elle est désormais chargée de mission Communication et Sensibilisation, et ses deux chantiers prioritaires sont de monter une campagne de promotion des métiers agricoles à destination des scolaires et des personnes éloignées de l’emploi, qui s’incarnera dans un grand évènement parisien, dès que la situation le permettra. Son projet d’installation agricole est toujours dans un coin de sa tête mais il a évolué : désormais elle ne se voit plus s’installer seule, mais en collectif et en étant particulièrement vigilante au temps de travail et à l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Elle se sent ainsi particulièrement en empathie avec toutes celles et ceux qui sont accompagnés par Abiosol et qui arrivent souvent la tête pleine de rêves et de représentations idéales et romantiques de la profession agricole. À tous ces rêveurs, elle a envie de dire que ce qui compte c’est justement leur envie et que tout le reste n’est vraiment pas grave. Et pour cette saine philosophie, on peut bien lui dire un grand merci !
Maud Granger Rémi, administratrice du Réseau AMAP IdF