30 avril 2020
Point de vigilance sur l’utilisation des outils de gestion numérique des AMAP
Suite à des questionnements remontés par plusieurs AMAP d'Ile-de-France, nous avons étudié avec attention le service numérique proposé aux AMAP par Bio Tout Court. Pour rappel, ce logiciel mis en service en 2019 propose aux AMAP et paysan·ne·s, qui le souhaitent, un outil de gestion permettant le paiement en ligne des contrats, moyennant une commission de 6% sur chaque transaction.
Il apparaît que ce service peut mettre en difficulté les AMAP. En effet, faire intervenir une tierce organisation (ici Bio Tout Court) dans les flux financiers entre les paysans et les amapiens, introduit un intermédiaire, ce qui vient à l’encontre du principe de vente directe propre au modèle AMAP, spécifié dans la Charte des AMAP de 2014 (Lire la publication “Le paiement dématérialisé en AMAP : oui, sous certaines conditions”). De plus cela fait peser des risques concernant le régime fiscal des AMAP (voir la fiche complète ici "Fiscalité des AMAP et réseaux d’AMAP : informations, risques et conseils"). En mettant en place cette tierce organisation dans les flux financiers, on est dans le modèle des groupements d'achats, vente en points relais, e-commerce...
Pour ces raisons, nous recommandons aux AMAP de ne pas retenir cette solution. Les associations qui le feraient prendraient et feraient prendre un risque à l’ensemble du mouvement des AMAP. En cas de contrôle de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), l’AMAP pourrait être accusée de publicité mensongère ou de tromperie du consommateur. Au-delà de l’amende que l’association pourrait avoir, c’est le modèle permettant de faire vivre des centaines de paysan·ne·s et de pérenniser des centaines de fermes qui pourrait être pénalisé.
Le modèle AMAP met tout en œuvre pour permettre un prix rémunérateur pour le paysan et juste pour l’amapien. Une augmentation conséquente du coût du panier peut nuire au principe d’accessibilité d’une alimentation de qualité à tous que nous revendiquons.
Fort d’un ancrage dans les principes et valeurs de l’éducation populaire, nous sommes ouverts à toutes les initiatives et les spécificités venant enrichir le modèle. Nous encourageons toutes celles et ceux qui apportent des solutions d’amélioration, pourvu que cela s’inscrive dans l’esprit de la Charte des AMAP. Nous souhaitons éviter la récupération mercantile des AMAP et les confusions, et nous revendiquons une différence entre AMAP, groupement d’achat, vente en point-relais et e-commerce.
Une AMAP est tout à fait libre de faire appel à un prestataire : pour développer un site web, payer un hébergeur, un logiciel de gestion... La prestation est alors payée par l’AMAP, sur la base des cotisations de ses membres. Cette démarche est en tout point différente d’une solution engageant une rémunération liée aux transactions effectuées entre les amapien·ne·s et les paysan·ne·s. Le paysan est également libre de faire appel à une solution numérique de son choix, pour laquelle il engage des frais uniquement dans le cadre de son entreprise.
Enfin, nous sommes conscients de la charge que fait peser la gestion par chèque des contrats dans la vie de l’AMAP, tant côté bénévoles que côte paysan·ne·s. Des solutions de paiements dématérialisés peuvent être mises en place, lire la publication citée ci-dessus : “Le paiement dématérialisé en AMAP : oui, sous certaines conditions”.
Nous sommes disponibles pour toute question que vous pourriez avoir sur les différents logiciels de gestion d’AMAP existants. De plus, une réflexion plus large autour de la question “Le mouvement des AMAP et le numérique, vous dites ? Quelle éthique commune des usages numériques ?” a été amorcée fin 2018 (voir le compte-rendu ici) et se poursuit sous différentes formes, n’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus.
Le MIRAMAP, Mouvement Inter-Régional des AMAP, en coopération locale avec le Réseau AMAP Île-de-France