30 nov 2022

On ne va pas en faire tout un fromage !

Si les modalités d'un partenariat AMAP avec des maraîcher·ères coulent de source, le travail avec les céréalier·ères, éleveur·euses, arboriculteur·rices etc. nécessitent de faire une gymnastique pour intégrer les spécificités de ces productions aux principes de partage de la production, de présence aux livraisons, de solidarité en cas d'aléas etc.

En 2020 et 2021, Abdenour et Isabelle nous avaient déjà rappeler l'importance des ruminants dans notre paysage et aussi leur parcours d'installation à Toussacq.
Aujourd'hui, nous raconterons comment ils ont construit leur contrat pour s'adapter aux variations de leur production et intégrer l'ensemble des produits issus de leur travail, du lait à la viande de chevreaux !

Ici, pas de commande de produits à la carte mais un engagement sur une assiette de fromages

Certain·es ne le savent pas, mais il y a une saison pour les fromages de chèvre ! Le contrat suit la lactation naturelle des bêtes qui va de mars à octobre. En effet, Isabelle et Abdenour ont fait le choix de ne pas utiliser d'hormones qui prolongent la lactation.

Dans leur contrat, les amapien·nes acceptent que le fromage livré ait un stade d'affinage variable et que la composition des « assiettes » varie selon la qualité du lait et les fromages disponibles. L'objectif est de laisser une flexibilité aux chevrier·ères pour adapter le contenu de leurs assiettes en fonction des variations de la production et des stocks (durée et stade de lactation des chèvres, météo, problèmes sanitaires etc.). La variation dans la composition de l'assiette a été bien acceptée par leurs amapien·nes qui ont rapidement fait le parallèle avec le fonctionnement pour les paniers de légumes.

Extrait du contrat d'engagement d'Isabelle et Abdenour sur les produits de chèvre

Il n'y a pas de produits laitiers sans viande

Pour produire du lait, il faut que les vaches, brebis, chèvres donnent chaque année naissance à un veau, un agneau ou un chevreau. Lors de ces naissances, en fonction du sexe des petits, les femelles sont gardées les premières années pour renouveler le troupeau, tandis que les mâles sont vendus ou gardés pour être engraissés. Il n'y a donc pas de lait sans viande, et peu de modèles économiques seraient viables si les animaux du troupeau n'étaient pas vendus pour l'alimentation humaine (plus d'info ici).

Abdenour et Isabelle ont fait le choix éthique d'engraisser eux-mêmes les chevreaux plutôt que de les vendre à un engraisseur au bout d'une semaine. Cela implique de dédier du lait des chèvres et des céréales de la ferme pour les alimenter et de prévoir les espaces nécessaires pour les loger en bâtiment et les faire pâturer à l'extérieur. C'est un modèle rare qui sort de la norme mais qui permet d'avoir un ensemble plus cohérent pour les chevrier·ères, notamment pour garantir la bientraitance des chevreaux. Malheureusement, le prix de vente de la viande de chevreau ne permet pas de valoriser l'intégralité du travail fourni. Aux chevreaux viennent aussi s'ajouter des cochons pour valoriser le « petit lait » qui intéresse peu les consommateur·rices humain·es (et dont la production monte jusqu'à 40 litres par jour !).

Après avoir échangé avec leurs amapien·nes, Abdenour et Isabelle ont indiqué dans leur contrat, à titre indicatif, la quantité de viande, transformée en terrines ou saucisse, équivalente à la consommation d'une assiette de fromages :

Extrait du contrat d'engagement d'Isabelle et Abdenour sur les produits de chèvre

Idéalement, ils auraient souhaité que les amapien·nes s'engagent à consommer la quantité de viande équivalente à leur consommation de fromages afin d'atteindre un équilibre entre les productions de fromages et de viandes. Les échanges à ce sujet sont parfois délicats. Si les référent·es des AMAP sont d'accord qu'il est nécessaire de responsabiliser les consommateurs sur la production de viande inhérente à la production de fromage, ils craignent parfois les réactions des amapien·nes et l'impact sur le nombre de contrats souscrits. Cela s'explique notamment par un contexte sociétal où nous tendons à refouler la conscience qu'il y a un animal derrière le produit. D'après un référent, pour certaines personnes, le fait d'avoir vu les bêtes, pour des agneaux ou chevreaux, freine parfois la consommation de leur viande. Alors pour une amapienne, la solution est simple : on amène de la rillette de chevreaux pour l'apéro et on sensibilise ses ami·es sur le sujet. Résultat garanti : « elles sont super bonnes et le message passe très bien comme cela ».

Les liens à renforcer entre éleveur·euses et amapien·nes

A la différence des maraîcher·ères qui peuvent commercialiser l'ensemble de leur production avec 2 ou 3 AMAP, les éleveur·euses, arboriculteur·rices ou céréalier·ères distribuent une part très faible de leur production dans chaque AMAP. Ils ont donc besoin d'avoir un plus grand nombre d'AMAP, ce qui complique fortement la présence aux livraisons.

Pour leurs AMAP locales, Abdenour et Isabelle sont présents à toutes les distributions tous les 15 jours, pour les AMAP plus éloignés ils viennent tous les deux mois. Leur présence est très valorisée par les référent·es des AMAP qui apprécient leur énergie, mais aussi la pédagogie et la transparence dont il et elle font preuve (surtout quand il y a des échantillons pour tester de nouveaux produits !). Malheureusement, les éleveur·euses nous partagent régulièrement qu'ils ne bénéficient pas toujours de la même qualité d'accueil que les maraicher·ères (aide au déchargement, préparation de la liste de distribution, échanges avec les amapien·nes).

Pour garantir une bonne communication, chaque mois, Isabelle et Abdenour diffusent une lettre d'info à leurs amapien·nes avec les actualités de la ferme et des recettes. Cela permet de nourrir les réflexions et de faire bouger les consommations, notamment sur le lait cru par exemple. Il y a un travail de pédagogie conséquent à faire sur la saisonnalité des produits et aussi les impacts des aléas sanitaires. Pour les référent·es des AMAP, cette lettre d'info démontre aussi l'intérêt qu'il et elle ont pour leurs animaux.

Sur leur ferme, les éleveur·euses ont parfois des difficultés à imaginer des ateliers pédagogiques qui répondent réellement à un besoin et qui intéressent aussi les amapien·nes. Après quelques hésitations, Isabelle et Abdenour vont solliciter les amapien·nes pour le grand nettoyage de la fromagerie. Parce que le ménage ça fait aussi partie du travail des éleveur·euses ! Un appel à idées a aussi été lancé pour que les amapien·nes contribuent aux réflexions sur l'aménagement de la future salle de traite.

Vous questionnez cet article ou vous souhaitez renforcer vos partenariats avec les éleveur·euses, céréalier·ères, arboriculteur·rices, cultivateur·rices de PPAM etc., contactez Astrid par mail ou téléphone (07.48.45.31.90).

Pour aller plus loin sur ce sujet :

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