30 sept 2021
Désertion dans les AMAP : on relève la tête et on y va !
Vous êtes nombreux·ses, paysan·nes comme amapien·nes, à nous faire remonter les grosses difficultés de renouvellement que vous rencontrez en cette rentrée 2021. Faisons le point sur le constat et les solutions !
Que se passe-t-il ?
"Il nous manque 13 parts de récolte pour la nouvelle saison !"
"D'habitude, on a entre 10 et 15% de turn-over, cette année on est à 50 !"
Mais que se passe-t-il ? Où sont les amapien·nes ?
Nous venons de traverser 18 mois totalement inédits pour notre société comme pour notre mouvement. Si ce dernier a su montrer toute sa résilience pendant cette période de crise, on se prend un petit retour de bâton assez peu agréable.
Deux questions nous paraissent essentielles ici : pourquoi les gens partent ? et pourquoi on a si peu de nouveaux pour les remplacer.
> Pourquoi les gens partent ?
Changement de mode de vie : déménagement à la pelle de Paris ou proche banlieue, développement du télétravail et acquisitions de résidences secondaires, avec ou sans potager, mais avec des absences trop nombreuses sur Paris pour s'engager sur un panier ... la modification des modes de vie liée à l'après-covid impacte nos modes de consommation.
Les circuits-courts ont le vent en poupe : si la tendance n'est pas nouvelle, la multiplication des magasins de produits locaux, de systèmes de paniers et de supermarchés coopératifs s'est intensifiée après l'engouement des français pour les circuits-courts lors du premier confinement. Forcément, cela dilue les consommateurs dans différents modèles.
Mais encore une fois, cette offre pléthorique en produits bio et locaux n'est pas nouvelle, notamment dans certains arrondissements parisiens qui l'ont vue apparaître depuis une petite dizaine d'année. Pourquoi cette fois-ci, elle nous impacte ?
Hypothèse 1 : comme vous pourrez le lire dans l'article de cette même lettre d'info sur les inégalités socio-économiques dans les AMAP, des chercheurs en sciences sociales ont mis en avant le fait que la création d’interconnaissance au sein du groupe AMAP est une condition sine qua non pour la pérennité de l’AMAP et la non volatilité des amapien·nes. Les occasions y sont d’ailleurs multiples : réunions, débat, assemblée générale, pots, visites de ferme…
On sera toutes et tous d'accord pour dire que ces occasions, qu'on aime pourtant tant en AMAP, n'ont pas été au rendez-vous ces 18 derniers mois. Du coup, pour des nouveaux·elles amapien·nes qui ont découvert le système récemment, cette absence de lien et d'interconnaissance qui est pourtant une des raisons qui poussent beaucoup d'amapien·nes à se rendre en AMAP, rend le modèle moins enthousiasmant, et a sans doute poussé certain·es à se tourner vers des systèmes moins engageants.
Hypothèse 2 : le développement actuel du modèle AMAP entraîne une dilution de nos valeurs, nous éloigne de nos racines militantes et rend l'intérêt du modèle moins évident pour les gens.
Ce paragraphe va piquer un peu, mais force est de constater que les AMAP sont à un tournant. 20 ans cette année, c'est un cap à passer. On peut choisir plusieurs directions, et notamment se consolider, autour de nos fondamentaux, ou se développer, avec un risque de dilution du modèle.
En Ile-de-France, nous avons atteint les 380 groupes AMAP, représentant plus de 21 000 foyers amapien·nes. Une bonne nouvelle pour les paysan·nes qui sont soutenu·es par ces foyers ! Mais force est de constater que ce n'est pas toujours au bénéfice de ces mêmes paysan·nes que le développement se fait. On constate notamment une dilution du modèle AMAP dans la multiplication des contrats, et encore, si contrat il y a !
Quel mal y a-t-il, nous direz-vous, à pouvoir faire toutes ses courses à l'AMAP et à satisfaire les envies des amapien·nes ? A première vue, aucun ! Mais en creusant un peu, on se rend compte que, pour les amapien·nes novices ou peu engagés, la possibilité d'acheter des agrumes par-ci par-là, une petite pâtisserie de la chouette voisine qui s'est lancée à son compte, une commande groupée de vin proposée par un revendeur qui est aussi un amapien sympa, etc etc (nous avons recensé jusqu'à 15 partenariats dans certaines AMAP), ces possibilités les éloignent chaque jour un peu plus de la compréhension plus fine des fondamentaux que l'on doit attendre d'un partenariat AMAP. Or cette compréhension est indispensable à la solidarité des amapien·nes et à leur implication pour garantir la pérennité du partenariat.
Pour avoir une vision claire de ces éléments, vous pouvez consulter :
- ce document sur les fondamentaux du partenariats AMAP et
- ce flyer sur les engagements attendus des amapien·nes et des paysan·nes dans le cadre d'un partenariat AMAP
Comment être solidaire avec notre maraîcher quand en parallèle on achète ponctuellement des produits à des revendeurs qui n'ont pas d'aléas ? Comment comprendre le partage de la récolte quand on est face à des commandes groupées où l'on achète une quantité de produits sans engagement ? Et de ce fait, pourquoi rester à l'AMAP et accepter ses contraintes et des paniers moins jolis pendant cette saison toute pourrie (voir l'article Météo des champs dans cette même lettre d'info), si on n'a pas compris que c'était le seul système qui permettait à des paysan·nes de vivre correctement de leur métier malgré les aléas climatiques de plus en plus nombreux ?
Il est peut être temps de tirer la sonnette d'alarme, de se recentrer sur notre objectif premier (le maintien d'une agriculture paysanne), et de se rendre compte que le temps passé à la gestion de commandes groupées et de contrats farfelus rend les bénévoles beaucoup moins disponibles pour faire un bel accueil des nouveaux amapien·nes, participer à des évènements locaux pour parler du modèle, organiser des temps de débat ou des temps conviviaux...
> Pourquoi les nouveaux n'arrivent pas ?
Hypothèse 1 : COVID nous revoilà : 18 mois de crise ne peut pas ne pas laisser de traces dans nos esprits. Alors quand on a été confinés, déconfinés, reconfinés, semi-confinés, exilés hors de Paris, qu'on nous sort une obligation de montrer patte blanche pour aller au cinéma, on ne peut pas en vouloir aux gens d'avoir du mal à se projeter sur un contrat de 12 mois qui les engage financièrement et moralement !
Hypothèse 2 : on s'est un peu endormis sur nos lauriers ! Il est temps d'avoir un discours fort et militant sur ce qu'est une AMAP et pourquoi on la rejoint, de reprendre le bouche à oreille qui est une des plus grandes sources de nouveaux amapien·nes, d'assumer nos spécificités face aux autres modèles de circuits plus ou moins courts chaque jour plus offensifs (vous saviez vous, que quand on tape AMAP sur google, on tombe en premier sur deux pub pour deux plateformes numériques de commande en ligne de produits locaux ou de commande de paniers bio ?).
Qu'est-ce qu'on fait ?
On communique
On n'oublie pas tous les docs de communication du Réseau à votre disposition pour parler AMAP ! Retrouvez ici tous les supports de communication à disposition des AMAP adhérentes à récupérer dans nos bureaux ou par voie postale.
On n'oublie pas non plus les formations du Réseau pour renforcer vos compétences de bénévoles ! Parler AMAP, animer son AMAP... Le catalogue est bien fourni, y compris pour la fin de l'année !
- Pour renforcer vos capacités à parler du modèle AMAP, rendez vous à la formation "Ambassadeur·rice·s du mouvement des AMAP" qui se tiendra le 16 octobre > programme et inscription ici
- Pour réfléchir sur l'organisation de votre AMAP et vos partenariats AMAP, rendez vous à la formation phare du Réseau "Animer son partenariat AMAP" qui se tiendra le samedi 20 novembre et 11 décembre > programme et inscription ici
On se recentre
Apéros, discussions, assemblée générale, on mise tout sur la convivialité pour conforter le groupe existant, donner envie aux gens de rester et de s'investir dans le groupe !
Et on n'hésite pas à engager des débats de fond, à arpenter la charte des AMAP, à nous solliciter pour venir débattre ensemble ! Vous trouverez ici un catalogue avec des idées d'animation pour vous accompagner.
Parce que nos structures sont des forces formidables et qu'il faut qu'on retrouve notre âme militante !
Par Mathilde, salariée du réseau AMAP IdF