31 mars 2023

A la découverte des fermes qui innovent pour faire face au changement climatique

Comme chaque année, une équipe constituée de 14 paysan·nes francilien·nes et 3 salariées du Réseau AMAP Idf est partie à la découverte de paysan·nes du Sud pour échanger sur leurs pratiques. Retour sur ce voyage d'études 2023 !

D'année exceptionnelle en année exceptionnelle, les paysan·nes se surnomment maintenant « paysan·nes du changement climatique ». Alors pour aider nos paysan·nes à faire face à ces situations « exceptionnelles », nous nous sommes rendus en Provence pour découvrir des innovations mises en place sur les fermes pour faire face au changement climatique.

La serre à plant bioclimatique

Principe d'une serre bioclimatique : « Elle stocke de l'énergie solaire pendant la journée qu'elle restitue la nuit ou lors de séquences nuageuses. Elle est isolée pour réduire les pertes thermiques. Elle ne nécessite ni panneau solaire, ni chauffage externe. » (Source : https://serre-bioclimatique.fr)
Ce modèle de serre est particulièrement utile pour faire les plants qui ont besoin de chaleur pour pousser. Il est courant que les maraicher·ères utilisent des petits tapis chauffants disposés sous les plaques de plants (une pratique autorisée en agriculture biologique).

Sébastien, maraîcher en AMAP, installé depuis 18 ans, nous accueille sur sa ferme Jardin du Papet d'une surface de 16 hectares (dont 8 hectares de céréales, et aussi des surfaces dédiées aux engrais verts ou au fourrage). Il produit actuellement 200 à 250 paniers avec deux salariés et deux apprentis.

En 2019, il souhaite construire rapidement une petite serre à plants bioclimatique avec un coût minimum pour arrêter d'utiliser des tables chauffantes. Pour le matériel, il utilise principalement de la récup : palettes, bidons et matières naturelles (sauf la bâche pour le toit). Le chantier de construction est réalisé en une semaine avec un groupe d'étudiant·es. Un mur exposé plein nord est construit avec des palettes et isolé avec de la chaux-terre-paille. Au sol, pas d'isolant particulier mais les tables de semis sont posées sur des bidons rempli d'eau qui accumulent de la chaleur et font tampon quand la température baisse. Résultat : un coût total de 2 000€ seulement, et une presque autonomie sur les plants (grâce à un habitant de la ferme qui fait les plants et gère l'arrosage sur un quart temps).

Une chambre de germination pour les graines a aussi été auto-construite avec des plaques offsett récupérées chez un imprimeur et une isolation avec de la paille de riz. Un chauffage soufflant basique amène la chaleur nécessaire à la germination.

Les caves enterrées pour stocker les légumes d'été 

Pendant le voyage, nous avons pu observer deux modèles de cave enterrée, d'abord chez Eric et Delphine (GAEC du Spigaou) puis chez Maxime (Les plantations de Maya). Ces fermes partageaient de nombreuses pratiques puisque Maxime a été salarié chez Eric et Delphine.

Sur ces deux fermes d'environ 4 hectares, on retrouve des serres en verre. Chez Eric et Delphine, c'était une opportunité puisqu'ils n'ont eu qu'à payer la main d'œuvre et le transport sans payer la serre. Maxime a repris une ferme existante qui avait déjà des serres en verre.

Pour stocker leurs légumes l'été, Eric et Delphine décident de construire une cave enterrée sous l'une de leur serre. Les amapien·nes participent au financement et au chantier de construction. La cave est construite rapidement pour un coût modeste de 2 000€. Ils choisissent d'installer un monte-charge pour faciliter la descente et monter des légumes. Ils rencontrent toutefois deux problèmes : l'infiltration de la pluie (voire des remontées de la nappe phréatique) et les rongeurs qui arrivent à s'introduire à travers les murs qui ne sont pas intégralement recouverts de parpaings.

Maxime va s'inspirer de ce modèle et aller un peu plus loin (avec des coûts supplémentaires). Il va maçonner intégralement la cave pour empêcher l'infiltration des rats. En conséquence, la cave respire moins donc il installe une aération. Si la construction a été réalisée à deux personnes seulement, le coût monte toutefois à 10 000€.

Les vergers maraichers : le retour des arbres sur les parcelles

Le deuxième jour du voyage commence par la rencontre de Nicolas sur la ferme des Possibles. Il reprend la ferme familiale après avoir travaillé dans l'industrie et la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises). Il réaménage la ferme autour de trois piliers : la protection du vent et du soleil, la beauté et la simplicité.

« Il y a 10 ans j'imaginais le réchauffement à venir. Depuis 5 ans, je ne l'imagine plus, je le vois tous les jours. »

Face à l'accroissement de la chaleur l'été, il choisit de diminuer sa production pour limiter sa consommation en eau. Les conditions climatiques extrêmes d'été ne permettant pas de travailler dans des conditions humainement acceptables, il envisage de décaler la production et d'arrêter de produire entre la mi-juillet et septembre.

Avec 100 jours de vent par an, la réintégration des arbres sur la ferme comme abri climatique était incontournable. Les plantations ont besoin d'ombre en été et les légumes près des arbres se portent mieux. Nicolas a été accompagné par Agroof pour l'aménagement et le choix des essences d'arbres pour les haies et les parcelles maraîchères.

Dans l'une de ses serres, il fait pousser une vigne en palissade depuis 9 ans. Cela permet d'amener un peu d'ombre pour les cultures mais aussi des pollinisateurs.

Pour gérer l'enherbement et remplacer le broyeur consommateur d'énergie fossile, il intègre trois brebis Mourérous sur la ferme.

Puis nous partons à la découverte d'un deuxième verger maraîcher chez Nicolas de la ferme du Colibri. Le recul qu'il a maintenant sur les choix qu'il a fait lors de son installation, est particulièrement riche. Il explique qu'il vaut mieux prendre un temps long de construction de son projet de verger maraîcher (choix de l'implantation, adaptation au contexte pédoclimatique etc.). Cela permet d'éviter de se retrouver avec des choses pas adaptées, pour lesquelles il est coûteux de faire marche arrière.

Si c'était à refaire, il ne planterait qu'un seul type d'arbres, le figuier. C'est un arbre qui résiste bien à la sécheresse et qui n'est pas encombrant ou exigeant sur la taille (à l'inverse des pommiers qui demandent beaucoup d'interventions, difficiles à réaliser avec des cultures de légumes sous les arbres). Les figues se vendent aussi très bien, contrairement aux pommes pour lesquelles il y a plus d'offre.

Il questionne aussi le fait d'avoir planter ses arbres en rang les uns derrière les autres. Pour faciliter la circulation entre les arbres, il préférerait avoir un double rang avec des arbres en quinconce.

Avec 11 ans de recul après son installation, il confirme que les arbres constituent un abri climatique face au gelée printanière. Toutefois, pour l'instant ils ne permettent pas une économie d'eau.

 

Les différents aménagements ou pratiques mis en place sur les fermes visitées démontrent que les investissements et le dimensionnement peuvent grandement varier d'un projet à l'autre. Il est important de respecter les choix de chaque paysan·ne. Il s'agit de choix délicats à faire, en fonction de leur besoin à court et moyen termes, et de leur capacité et possibilité à un temps donné, tout en sachant qu'il y aura toujours un grand nombre d'inconnus.

Pour en savoir plus sur ces fermes et les innovations mises en place, consultez le compte-rendu du voyage d'études paysan·nes ici.

 

Par Lucie et Astrid, salariées du Réseau AMAP IdF

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