31 août 2021
Retour sur la journée d'étude "Arboriculture" dans le Loiret !
Depuis 2015, le Réseau AMAP IDF organise en hiver des voyages d’étude à destination des paysan·ne·s de la région, qui sont principalement des maraîcher·e·s. Dans un souci de représentation et de valorisation des différentes productions qui constituent le Réseau, le Réseau organise désormais un voyage d’étude sur un format plus court d'une journée, sur des productions autres que maraîchères. En septembre dernier, nous étions allé·e·s dans l’Yonne pour rencontrer des aviculteur·ice·s. Cette année, direction Saint-Hilaire-Saint-Mesmin dans le Loiret à la rencontre de fermes en arboriculture !
Première visite : le Verger de Fleury, avec Peggy Ducrey, arboricultrice à Saint-Hilaire-Saint-Mesmin
A Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, en 2013, Peggy quitte son emploi dans le secteur culturel pour se consacrer à la culture des fruits ! La région est réputée pour l’arboriculture, notamment pour la culture des cerises. Elle a repris un verger déjà planté de 8,5 hectares, composé de pommes (3,4 ha), poires (2 ha), cerises (2 ha), prunes (0,5 ha) et pêches (0,5 ha). Son verger est très morcelé : les parcelles ne font pas plus de 0,5 hectares, étalées sur une distance de 2 kilomètres. Elle est installée individuellement et travaille avec un salarié à temps plein, une apprentie et des saisonniers : jusqu’à 15 équivalents temps plein pendant les récoltes.
Elle a converti la majorité des fruits en bio dès son installation en 2013. Elle a attendu 2017 pour franchir le pas pour les cerises et a dû affronter le découragement de ses collègues : « des cerises en bio tu n’y arriveras jamais » ! Et pourtant, Peggy l’a démontré, c’est possible : ses cultures sont désormais entièrement certifiées biologiques et BioCohérence.
Lors de la visite d’un de ses vergers de cerisiers, une vingtaine de variétés sur 2 hectares, Peggy nous explique que le plus difficile pour le passage en bio a été la gestion de la mouche de la cerise et de la drosophile suzukii, un moucheron asiatique attiré par les fruits rouges et noirs, les 2 principaux ennemis de la cerise. La première année de sa conversion, elle a été accusée par ses voisins conventionnels d’être responsable de l’augmentation exceptionnelle cette année-là des mouches et des drosophiles puisqu’elle ne traitait pas ! Néanmoins, grâce à une récolte précoce, à l’utilisation de l’argile blanche et du vinaigre d’ail, et au piégeage, elle arrive globalement à contrôler les populations de ces insectes. Quoiqu’il en soit, la culture des cerisiers reste exigeante et n’attend pas : les fruits cueillis le matin doivent être vendus l’après-midi. Si le cycle très court de la cerise limite l’entretien nécessaire à la bonne santé des arbres, et donc les coûts, la récolte de la vingtaine de variétés, elle, s’étale sur 6 à 7 semaines et nécessite l’embauche d’une quinzaine de saisonnier·ère·s pour la récolte manuelles des fruits avec seaux et escabeaux !
Echanges avec Peggy devant ses cerisiers à Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, 26 août 2021
La diversification, clé de la résilience contre le gel ?
L’arboriculture est une culture particulièrement sensible au gel, et Peggy n’a pas échappé au gel tardif particulièrement dévastateur d’avril 2021, qui a causé la perte de la quasi-totalité de toutes les cultures. Mais la lutte anti-gel est difficile à gérer moralement et physiquement. Il existe différents moyens de lutter contre le gel : bougies, éoliennes anti-gel, chaudières etc. Peggy, elle, mise sur ses poiriers en les protégeant contre le gel par un système d’aspersion sous frondaison (une irrigation en continu qui crée une barrière de glace afin de protéger le fruit). Ce système d’irrigation a été déclenché pendant tout le mois d’avril, ce qui a fonctionné au départ mais à la fin du mois, les fruits ont été tellement gorgés d’eau qu’ils ont chuté.
Sur les 6 dernières années, Peggy a connu 3 gels sur son verger. Chaque épisode est source de remise en question du modèle. En 2017, après un gel total, Peggy a mis en place un atelier légumes sur la ferme avec les choux de Bruxelles comme production phare. Mais n’ayant pas embauché de personnel supplémentaire, ce choix a complètement déstructuré l’organisation de la ferme, le calendrier de travail se superposant à certaines périodes pour la récolte notamment. La diversification s’est faite au détriment du verger, occasionnant un retard sur la taille des arbres, retard dont les conséquences se sont fait ressentir pendant 2 ou 3 ans.
Cette année, elle a cultivé de la rhubarbe pour avoir une source de revenu complémentaire. L’an prochain, elle a le projet de faire des haricots verts et elle réfléchit à la culture de fraises, mais cette fois-ci, on ne l’y reprendra plus, en repensant mieux la nouvelle organisation de la ferme !
Peggy fait également faire des jus de fruits à façon et a développé un laboratoire de transformation sur la ferme pour la confection de confitures. Pendant les années de gel, ces produits sont un moyen très apprécié par Peggy pour avoir une source de revenus et entretenir sa clientèle.
Quelle commercialisation ?
Au départ, Peggy voulait tout vendre en circuit court mais suite à la fatigue éprouvée après les premières grosses récoltes, elle a vu d’un bon œil la création de d’un groupement de producteurs à destination du réseau Biocoop, la coopérative Bio Centre Loire. Ce groupement d’achats l’a beaucoup aidé, notamment pour écouler la production lors des années avec de forts rendements, et a fait prendre un tout autre sens à la vente en gros et demi-gros.
Peggy a longtemps commercialisé auprès d’AMAP locales et franciliennes mais a récemment mis fin à ses partenariats. Elle reconnaît qu’elles ont été un grand soutien pendant son installation et notamment la conversion au bio. Mais avec les difficultés de production liées au gel, Peggy se sent mal à l’aise de solliciter la solidarité des amapien·ne·s alors qu’elle ne récolte que 15% de ce que son verger pourrait produire. La diversité des circuits de commercialisation de Peggy (marchés, coopérative) complique aussi la mise en place d’un mécanisme de solidarité avec ses AMAP. Les relations les plus solides étaient avec ses AMAP parisiennes mais la trop grande distance et le temps trop important dédié à la commercialisation l’ont poussée à mettre fin aux partenariats. Désormais, elle commercialise sa production principalement dans des marchés et avec la coopérative Bio Centre Loire.
Deuxième visite : la Ferme des Perrières, à Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, chez Éric Duriez, arboriculteur et maraîcher
Après un repas partagé chez Peggy, direction la Ferme des Perrières à quelques kilomètres de là, où nous accueille Éric Duriez, installé depuis 2015. Issu du monde agricole, avec un bagage d’ingénieur agronome, il se tourne vers l’arboriculture à la suite d’une reconversion professionnelle après avoir travaillé longtemps dans une pépinière.
La Ferme des Perrières est l’une des pionnières de l’agriculture biologique, labellisée depuis 1964 ! Elle a la particularité de n’avoir jamais utilisé d’intrants chimiques lorsque ces derniers se sont généralisés après la seconde guerre mondiale.
Sur les 20 hectares cultivés, 8 hectares sont dédiés aux pommes, poires, cerises et kiwis et le reste est consacré aux légumes. Une partie de la production fruitière est transformée sous forme de jus de fruit : tou·te·s les participant·e·s du voyage se souviendront du délicieux jus de pommes-framboises !
Les débouchés de commercialisation sont aussi variés que les productions : vente à la ferme, marché, AMAP, groupements d’achats collectifs, gros, demi-gros avec des magasins locaux, la coopérative Bio Centre Loire et l’association de producteurs Paniers du Val de Loire. La vente au détail (vente à la ferme, marché et AMAP) représente tout de même la moitié du chiffre d’affaires de la ferme. Éric livre ses fruits et ses légumes dans 4 AMAP parisiennes, mais pour lui la gestion des fruits est plus simple que celle des légumes. Ses contrats roulent d’octobre à avril, il livre pommes, poires et kiwis toutes les 3 semaines.
Echanges avec Eric Duriez devant ses pommiers à la ferme des Perrières à Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, jeudi 26 août 2021
Lors de son installation, le verger qu’il a récupéré était très âgé et n’avait pas été renouvelé, ce qui a posé certaines difficultés. Les variétés trop anciennes présentes sur la ferme n’étaient pas adaptées à la bio et aux attentes actuelles des consommateur·rice·s. Éric a déjà replanté des poiriers mais également des abricotiers, pêchers et nectariniers sous serre, mais le renouvellement des arbres continue !
Éric protège également ses arbres contre le gel par de l’aspersion sous frondaison mais les dégâts ne l’ont pas épargné cette année non plus. Ses capacités de forage étaient insuffisantes pour mettre en place une aspersion efficace contre le gel sur l’ensemble de son verger. Les effets du gel ont été d’autant plus marqués que les vergers étaient en alternance à la suite de la grosse production de l’année précédente.
Concernant la lutte contre les maladies, Éric nous parle de ses « potions magiques » pour lutter contre la tavelure, une maladie très fréquente causée par un champignon qui affecte les pommes en créant des taches brunes : souffre, cuivre, bicarbonate de potassium, extrait de prêle et d’ortie, tout y passe pour se protéger de ce champignon ! D’autres pratiques font partie de son itinéraire technique sur les pommiers : taille d’hiver, auto-production des auxiliaires, plantation de légumineuses variées entre les rangs pour favoriser la biodiversité et enrichir le sol, travail du sol sur le rang et paillage etc.
Les nouveaux pêchers et nectariniers sous serres d'Eric Duriez entre des rangs de maraichage, à Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, jeudi 26 août 2021
A la Ferme des Perrières, 10 ETP (équivalent temps plein) sont nécessaires pour faire tourner la boutique. Les salarié·e·s ne sont pas spécialisé·e·s sur le maraîchage ou sur l’arboriculture, ils·elles sont polyvalent·e·s. Ces deux ateliers sont complémentaires mais ils peuvent aussi être concurrents. Pour la taille des arbres, Eric doit toutefois recourir à de la prestation de services. Cette activité d’entretien nécessite une capacité d’analyse et de lecture de l’arbre très importante, et jusqu’à récemment personne n’avait les compétences nécessaires sur la ferme, en dehors d’Eric qui ne peut pas être sur tous les fronts !
Par Ninon, salariée du Réseau AMAP IdF