29 juin 2020

Il n'y a pas de produits laitiers sans viande...

En Île-de-France, l’élevage en agriculture paysanne ou biologique (petits élevages, en plein air…) se fait rare. On dénombre une quarantaine d’éleveur.euse.s. Parmi eux, les producteurs et productrices de lait sont encore moins nombreux.euses : 15 fermes laitières en brebis, vaches ou chèvres fournissent les groupes AMAP franciliens, soit environ 80 partenariats ; ce chiffre double si nous comptons les producteurs des régions limitrophes.
Sans faire un cours d’agronomie ou d’histoire, il nous semble important de rappeler en préambule les différents rôles de l’élevage :

  • Un rôle économique : le maintien d’activités (ex : atelier de transformation) et conséquemment de vie sociale dans certains territoires
  • Un rôle écologique : la préservation de la biodiversité, le maintien de certains milieux ouverts…
  • Un rôle agronomique : le maintien d’une agriculture diversifiée sur nos territoires. L’élevage est essentiel notamment pour l’apport de matières organiques dans les sols. Des bergers itinérants développent des initiatives pour pâturer les couverts des céréaliers bio pour les amender car certaines fermes ne trouvent plus de sens à acheter du fumier à l’autre bout de la France.

Les porteurs de projet que nous accompagnons avec Abiosol se font encore rares sur ce type de production. Après discussion avec les éleveurs et éleveuses, outre les nombreux freins à l’installation, la commercialisation des produits laitiers comme carnés s’avère également complexe.

En effet, pour produire du lait, il faut que les vaches, brebis, chèvres donnent chaque année naissance à un veau, un agneau ou un chevreau. Lors de ces naissances, en fonction du sexe des petits, les femelles sont la plupart du temps gardées pour renouveler le troupeau, tandis que les mâles sont vendus ou gardés pour être engraissés. Après un certain nombre d’années (variable d’un producteur à l’autre) les laitières sont également abattues pour être consommées.

Il n’y a donc pas de lait sans viande, et peu de modèles économiques seraient viables si les animaux du troupeau n’étaient pas vendus pour l’alimentation humaine, à moins d’un prix de fromage fortement augmenté pour que les paysan.ne.s puissent vivre de leur métier (pour celles et ceux qui se demandent ce que cela pourraient représenter, on vous renvoie à l'exemple de PoolHouse, ou "l'oeuf qui ne tue pas la poule" : le vrai prix à payer pour ne pas envoyer les poules à l'abattoir à la fin de la saison est de 6€ les 6 oeufs).

La valorisation de la viande à travers le contrat AMAP semble donc indispensable à la viabilité de la ferme - certain.e.s producteur.trice.s d’œufs incluent une poule au pot dans leur contrat, car il n’y a pas d’œuf sans poule…

En effet, la commercialisation de la viande via des circuits longs est très peu rémunératrice et est contraignante : les coopératives exigent des quantités minimales par mois que les petits élevages ne peuvent pas maintenir, les contraintes sanitaires sont trop coûteuses à mettre en place sur des petits fermes, les abattoirs bio sont peu nombreux et lointains…

Enfin un partenariat AMAP n’est pas le même pour un.e maraîcher.e que pour un éleveur.euse ; là où les producteur.rice.s de légumes n’ont souvent qu’une, deux voire trois AMAP et peuvent donc être présent.e.s la plupart du temps lors de la livraison, les éleveur.euse.s laitier.e.s doivent avoir un nombre bien plus grand de partenariats pour pouvoir vivre de leur activité. Le nombre de livraison est donc fortement augmenté ainsi que le temps passé sur la route.

Amapiens, amapiennes, mangeurs et mangeuses, avez-vous déjà discuté de ces questions avec vos partenaires éleveur.se.s laitier.e.s ? La valorisation de la viande est-elle prise en compte dans votre partenariat ? Savez-vous comment les paysan.ne.s s’en sortent financièrement ? Comment pourrions-nous réfléchir ensemble à la mise en place de solutions pour que les paysan.ne.s puissent garder avec vous un lien fort sans passer leurs soirées sur les routes et en ayant une vie personnelle en parallèle ?
Ces solutions permettraient aussi d’encourager de nouvelles installations pour plus d’élevage paysan et bio sur notre territoire.

Si la question vous intéresse ou vous fait réagir, écrivez-nous !

Par Lucie, salariée du Réseau

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