Nos amis les Kaneko avec à gauche leur traductrice Midori, aux Marmites Volantes, la cantine du Mundo.

Les Kaneko étaient en France à l'invitation d'un séminaire en Ardèche et ils nous ont fait l'honneur de passer par Montreuil. Les Kaneko, vous savez, c’est le couple mythique, immortalisé par Marie-Monique Robin dans Les Moissons du futur (visible sur youtube; les Kaneko apparaissent à la fin, juste avant Marc Dufumier) et qui a inventé le système des Teikei au Japon dans les années 70.

Les Teikei sont considérés comme les ancêtres de nos AMAP. Il s'agit au départ de la rencontre entre des paysan·ne·s qui se regroupent pour pratiquer et promouvoir l'agriculture biologique, et des jeunes mères de famille qui, inquiétées par les différents scandales de pollution (notre Lubrizol n'est pas loin) liés au mouvement intensif d'industrialisation dans le japon des années 70, décident de s'adresser à des paysan·ne·s proches de chez elles pour se fournir en aliments sains.

Mettre un visage sur un légume

Quand on demande à Midori de traduire Teikei, elle fait une longue phrase alambiquée qui parle d'association, de partenariat et de voir le visage de l'autre. Puis elle prend son petit traducteur de poche et assène « coopération ». On dit que l'idée des Teikei, c'est de « mettre un visage sur un légume », et c'est une jolie expression parce qu'elle désigne bien ce rapport réciproque qui se noue dans la « coopération » établie. Le paysan voit le visage des mangeur.se.s sur les légumes qu'il cultive, tandis que les mangeur.se.s voient son visage à lui sur les légumes qu'ils cuisinent. Voir un visage, c'est bien l'image d'un engagement moral indiscutable. Je ne peux pas cultiver n'importe comment des légumes destinés à des gens dont je connais le visage, je ne peux pas rétribuer n'importe comment les légumes cultivés par celui ou celle dont je connais le visage.

Quand Midori nous raconte les débuts des Teikei, on réalise à quel point ça a été du bricolage : les époux Kaneko livraient des légumes à domicile aux habitants de leur village une fois par semaine, à la carte, en fonction des goûts de chaque famille, sans fixer de prix. Chacun donnait ce qu'il voulait. Et chaque samedi, les mangeurs et mangeuses venaient aider une heure au désherbage. Autant dire qu'avec ce système, la ferme ne s'en sortait pas financièrement. Au bout de quelques années, le système a évolué avec l'arrivée de nouvelles demandes venant d'habitants de Tokyo.

L'histoire des teikei raconté en japonais avec de jolies illustrations
(on adore le paysan qui sifflote dans sa fourgonnette !)

Ce qui est très touchant dans cette histoire, c'est que Yushinori Kaneko est venu se former en France, comme le raconte cet article de Ouest France, et son initiative a ensuite inspiré les CSA aux États-Unis, puis les AMAP. Aujourd'hui, pourtant, le système japonais des Teikei est vieillissant, et le regroupement des paysan·ne·s en perte de vitesse (ils sont passés de 6000 membres à 160). Certes les stagiaires des Kaneko, qui ont tous été formés pendant un an à la ferme, se sont installés et continuent de mettre en œuvre des pratiques respectueuses du vivant et génératrices d’autonomie. Kaneko utilse les canards pour nettoyer ses rizières, le compost pour fabriquer de l’énergie par méthanisation, de l’huile végétale pour faire tourner son tracteur.

Quand on raconte la structuration du Réseau aux Kaneko, ils nous disent, admiratifs, qu’on semble bien organisé et on leur propose, en rigolant à moitié, de venir les aider à monter un Abiosol japonais. Comme un geste de gratitude bien mérité pour les inventeurs du système qui permet aujourd’hui à tant de néo-paysan.ne.s de s’installer et de nourrir leurs voisin.e.s. D’ailleurs, on rêve de rassembler tou.te.s les porteur.se.s de projet passé.e.s par Abiosol et installé.e.s depuis, sur une belle photo pleine de sourires comme celle-ci :

La photo des époux Kaneko entourés de leurs stagiaires (ils sont 150 en tout !)

Ce fut une belle rencontre, qui nous a fait rêver. Grand respect pour nos amis de l’Archipel. A nous désormais de démontrer que cette belle idée n’a pas pris une ride et continue de s’incarner !

Par Maud, administratrice du réseau