30 avril 2020

COVID-19, AMAP et solidarité(s) : faisons le point

“Une relation solidaire, contractualisée, sans intermédiaire ». Principe 5, Charte des AMAP, 2014.

Autant dire qu’AMAP et solidarité, ça ne fait qu’un ! En AMAP, la solidarité s’exprime avec les paysan.ne.s, entre les amapien.ne.s, et vers les populations les plus fragiles. Et en ces temps de crise, elle doit bien sûr être au cœur de nos actions et réflexions.

Les AMAP, une solidarité inhérente au système

Ces dernières semaines, nous avons reçu de nombreuses sollicitations ou interpellations faisant appel à notre solidarité. On nous demandait de donner des produits – pour les plus démunis, pour cuisiner pour les soignants, pour les associations… Or, le constat était clair : nous n’avions pas de produits à donner. Ni nous, bien sûr, en tant que réseau qui n’achetons rien et ne vendons rien, ni vous, paysan.ne.s pour la plupart en période creuse et dont la production est déjà vendue aux AMAP, ni vous, amapien.ne.s qui n’alliez pas donner vos légumes pour aller en acheter au supermarché ensuite… Pendant quelques secondes, nous nous sommes sentis un peu bêtes… Et puis, nous nous sommes rendus compte que nous étions déjà, pleinement, un système ancré dans la solidarité, une solidarité de long terme :

  • un système associatif de vente directe : pas de marges (pas d'intermédiaire), pas de surproduction (production déjà vendue), pas de bénéfices tirés de la crise COVID19 – à la différence des supermarchés et autres intermédiaires – y compris en circuit-court – qui tirent profit de la situation
  • une solidarité inhérente au système : solidarité envers le producteur en cas d'aléas, et encore plus dans la période actuelle pour mettre tous les moyens en œuvre pour permettre le maintien des livraisons
  • une solidarité vers les plus démunis déjà en place habituellement : les groupes AMAP sont déjà en lien pour la plupart avec des associations de quartiers, centres sociaux, foyers d’accueil de migrants, etc pour donner chaque semaine des produits.
  • Solidarité exacerbée en période de crise : les groupes s'organisent pour apporter les produits de l'AMAP aux plus fragiles : personnes âgées, handicapés, personnes malades ou en quarantaines... Combien d’entre vous nous ont raconté comment ils avaient mis en place des distributions au domicile de ceux qui en avaient le plus besoin.

Alors, nous n’avons pas à rougir de ne pouvoir répondre positivement à toutes les sollicitations.

Le COVID, un aléa ?

Si la majorité des paysan.ne.s ont pu continuer à livrer, et la majorité des AMAP à organiser livraisons, quelques cas ont cependant amené les uns comme les autres à s’interroger sur le « statut » du COVID-19 au sein du partenariat : est-ce que l’annulation des distributions doit être considéré comme un « aléa inhérent à l’activité » ? Pour le réseau, la réponse est clairement oui. Un petit détour par la Charte et le « Principe 1 : une démarche d’agriculture paysanne » :

« Une AMAP inscrit sa démarche de coproduction dans le respect des principes de l’agriculture paysanne locale.
En particulier, elle :
- soutient le maintien, la pérennisation et l’installation
- favorise l’autonomie dans le fonctionnement des fermes,
- s’inscrit dans une dynamique de territoire et de solidarité,
- accompagne la viabilité économique des fermes partenaires,
- est attentive aux conditions sociales de l’activité agricole. »

Un.e paysan.ne qui ne pourrait pas livrer car ses salariés seraient atteints du COVID – ou lui-même – ou trop fragiles pour prendre un quelconque risque de contamination, doit pouvoir bénéficier du soutien et de la solidarité des amapien.ne.s, afin de ne pas mettre en péril la viabilité économique de la ferme. Bien sûr, la solidarité des AMAP est basée sur un principe de confiance et réciprocité, y compris dans un contexte exceptionnel comme celui-ci.

Même la solidarité s’adapte

Depuis le début de la crise, de nombreuses AMAP ayant déjà des pratiques de solidarité - dont un certain nombre ont été recensées ici - ont adapté leurs démarches.

Dans certaines AMAP, le nombre de paniers non collectés a augmenté. Ils sont alors distribués à des personnes précaires (Bio Consommacteurs à Gennevilliers) ou à des collectifs qui préparent des repas (la Cantine des Pyrénées dans le 20e ou les Brigades populaires à Aubervilliers). A la Courgette Solidaire (Les Lilas), c’est dorénavant 8 paniers par semaine (au lieu de 4 en temps normal) qui sont donnés au Secours Populaire, aux Restos du Cœur et au Star Hôtel, hôtel solidaire qui loge des familles en difficultés. Certaines AMAP permettent aussi aux amapien.ne.s de donner une partie de leurs paniers (Amap des Prairies, 20e) ou des produits complémentaires qui sont transmis au Secours Catholique (Bio Consommacteurs).

Et après ?

Parce que la précarité alimentaire ne s’arrêtera pas avec le confinement, plusieurs AMAP aimeraient aller plus loin dans leurs réflexions et actions pour une alimentation de qualité accessible à toutes et tous. A la Courgette Solidaire, en plus des paniers demi-tarif proposés depuis plusieurs années, on réfléchit à un don de paniers pour les circuits de collecte organisés par les écoles de la ville pour les familles en difficultés. Plusieurs AMAP du nord-est de Paris intéressées par ces questions réfléchissent à la mise en place d’une expérimentation dans les mois qui viennent. A Gennevilliers, on envisage de renforcer les liens avec le CCAS (Centre communal d'action sociale). A Montreuil, le collectif Justice alimentaire composé notamment d’amapien.ne.s souhaite rendre visible les enjeux autour de l’accessibilité alimentaire auprès des pouvoirs publics via l’organisation d’assises de la justice alimentaire : à suivre donc ! Au niveau du Réseau, on suit de près la réflexion autour de la sécurité sociale de l’alimentation (https://www.isf-france.org/articles/pour-une-securite-sociale-alimentaire) dont la pertinence semble d’autant plus criante dans la période que nous traversons.

Vous souhaitez nous faire part d’une initiative de solidarité mise en place dans votre AMAP ou des réflexions que vous menez sur l’accessibilité, écrivez-nous : noemie@amap-idf.org.

Par Mathilde et Noémie, salariées du Réseau

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